8e Festival du Film d’El Gouna du 16 au 24 octobre 2025 : qualité et élégance
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8e Festival du Film d’El Gouna du 16 au 24 octobre 2025 : qualité et élégance

8e Festival du Film d’El Gouna du 16 au 24 octobre 2025 : qualité et élégance

Cérémonie d’ouverture : les frères Naguib et Samih Sawaris, fondateurs du festival d’El Gouna (©️JMTherouanne)

Le 8e Festival du Film d’El Gouna s’est tenu du 16 au 24 octobre 2025 dans la station balnéaire d’El Gouna (Égypte). 

El Gouna, ville éco-responsable :

La ville d’El Gouna a commencé à être construite en 1989. Elle compte aujourd’hui 25.000 habitants … un vrai mirage en plein désert, au bord de la mer Rouge, non loin d’Hurghada, ville ayant également poussé comme un champignon où en 1985 il n’y avait, à l’époque que deux hôtels : celui du club Med et un petit hôtel bungalow pour routards.

El Gouna est à 4h30 du Caire par la route. Cette ville est née de la volonté d’un homme, Samir Sawiris.

El Gouna est une ville éco-responsable reconnue pour ses initiatives de développement durable (recyclage des déchets à 85%, de l’eau à 100%, énergie solaire, protection de la biodiversité, tourisme durable, …). Elle aspire à devenir la première ville africaine neutre en carbone. Elle a reçu le prix « Global Green Town » des Nations Unies en 2014. La ville a été construite avec des matériaux locaux et utilise toutes les technologies modernes.

Le Festival du Film d’El Gouna a été créé en 2017 par les frères Naguib et Samih Sawiris avec l’objectif de favoriser les rencontres culturelles entre l’Orient et l’Occident.

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Cérémonie d’ouverture : Martine et Jean-Marc Thérouanne, Directrice et Délégué Général du FICA Vesoul (©️DR)

Les lieux du festival d’El Gouna : 

Le Sea Cinéma est un complexe tout neuf de trois salles confortables et climatisées.

L’Audimax est une belle et grande salle en forme d’amphithéâtre de la Manara School d’El Gouna, école réputée pour l’excellence de son enseignement.

La très grande salle de cinéma à ciel ouvert du Festival Plaza, est le lieu de projection des films en gala. Celle organisée en hommage à Youssef Chahine, pour commémorer le centenaire de sa naissance, a été particulièrement émouvante. Marianne Khoury, nièce de Youssef Chahine et productrice de plus de trente films de son oncle, a introduit la projection du film Alexandrie, encore et toujours, avec la grande actrice égyptienne Yousra, dont c’est aussi l’année de la célébration de ses 50 ans de carrière.  

Cette salle est l’une des parties de ce lieu de toute beauté, construit en style arabe.

Le Festival Plaza est le centre névralgique du Festival du Film d’El Gouna. Plusieurs activités sont organisées où professionnels internationaux et nationaux se rencontrent pour participer ou assister à des colloques, des conférences, des pitchs, des panels de discussions, des conversations. Parmi les conversations les plus marquantes de cette édition, celle avec Cate Blanchett, a attiré une foule d’auditeurs attentifs trouvant place dans la salle comble des conférences.

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Cate Blanchett ©️JMTherouanne

Le marché du film se tient également dans ce lieu. Des expositions sont organisées, cette année, l’une dédiée à la grande actrice égyptienne Yousra, pour ses cinquante ans de carrière, l’autre consacrée au grand réalisateur Youssef Chahine, intitulée « Cairo Station », clin d’œil à son chef d’œuvre Gare centrale (1958). Les festivaliers sont invités à monter dans un wagon où défile des extraits des films retraçant la carrière prolifique de cet immense réalisateur, scénariste et producteur égyptien. Celui-ci a réalisé une quarantaine de films de fiction ou documentaires. Le Fils du Nils (1951) a été en sélection au Festival de Cannes, Le Démon du désert (1954) a lancé la carrière du grand acteur Omar Sharif, Alexandrie pourquoi ? a reçu l’Ours d’argent à Berlin en 1978, … Adieu Bonaparte (1985), Le sixième jour, avec Dalida (1986), le Destin (1997), prix du cinquantième anniversaire du Festival de Cannes en 1997, … jalonnent l’œuvre du maître du cinéma égyptien qui a dû se battre, à maintes reprises, contre la censure des islamistes.

La programmation :

La sélection comprend 83 films répartis en cinq sections :

*La compétition longs-métrages de fiction : 13 films concourant pour 6 prix

*La compétition films documentaires : 13 films concourant pour 4 prix

*La compétition courts-métrages : 17 courts-métrages concourant pour 4 prix

*La sélection officielle hors compétition : 25 films

*Les séances spéciales : 15 films

Les films de la sélection officielle peuvent éventuellement concourir pour des prix liés à la thématique qu’ils développent, ainsi les 14 films traitant un sujet humanitaire concourent pour le prix du public, ceux touchant à l’écologie concourent pour le prix étoile verte El Gouna décerné par le jury El Gouna Green Star, ceux venus de l’Asie géographique du Proche à l’Extrême-Orient sont jugés par le Jury Netpac (Network for the ProMotion of Asia and Pacific Cinema). Le jury Fipresci juge également des films contenus dans les différentes sections ci-dessus désignées.

Le Netpac au 8é Festival du Film d’El Gouna :

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Le jury Netpac ©️JMTherouanne

Le Jury Netpac est composé de trois membres : Anne Demy-Geroe, vice-présidente du Netpac, Hala Khalil, réalisatrice égyptienne et Jean-Marc Thérouanne, Délégué Général et cofondateur du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul.

Le jury Netpac a eu à juger neuf films de grandes qualités. Selon les critères propres au Netpac, il est important de primer de préférence un jeune talent émergeant :

1* Lucky Lu du coreano-canadien Lloyd Lee Choi. Ce premier long métrage est porté de bout en bout par le talentueux acteur taïwanais Chang Chen.

2* A Pale View of Hills du Japonais Kei Ishikawa, confirme les qualités de ce réalisateur déjà remarqué pour son premier long métrage Gukoroku -Traces of Sin (2017) et les suivants notamment A Man, présenté à Venise, Busan, Vesoul, …

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Raman Chawla, Saumyananda Sahi, Tillotama Shome ©️JMTherouanne 

3* Shadowbox de la réalisatrice indienne Tanushree et du réalisateur indien Saumyananda Sahi, brosse le portrait d’une épouse et mère, incarnée à l’écran par la grande actrice Tillotama Shome, ayant joué dans presque une trentaine de films notables (Le Mariage des Moussons de Mira Nair ; Qisa – le Secret de Kanwar d’Anup Singh, prix du Jury au 20e FICA Vesoul 2014 ; Sir -Monsieur de Rohena Gera, Semaine de la Critique Cannes 2018 ; Manto de Nandita Das, UCR Cannes 2018 ; …). 

4* Always – Cónglái du documentariste chinois Deming Chen, le film suit un jeune poète de huit ans nommé Youbin Gong pendant plusieurs années alors qu’il grandit dans un village rural de la province chinoise du Hunan. Ce film est remarquable pour la transposition visuelle des poèmes écrits par cet enfant. La quasi-totalité du film est en noir et blanc, sauf la séquence finale de l’enterrement du grand père de l’enfant. Celle-ci est en couleur, symbolisant le passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce film est d’une grande beauté visuelle, d’une originalité stylistique, d’une grande audace en cherchant à traduire la poésie écrite en poème filmique.

5* Kabul, Between Prayers du documentariste afghan, réfugié aux Pays-Bas, Abouzar Amini, décrit la vie de trois frères, l’aîné, Samim, 23 ans, soldat dans une unité d’inspection des Talibans, Rafi, son frère cadet admirant sans borne son frère aîné rêvant de mourir pour la cause de l’Islam rigoriste et totalitaire des Talibans, et enfin le petit frère qui joue à la guerre. Tous désirs mettre leur honneur à l’épreuve de la mort pour la cause. Selon eux les femmes n’ont pas d’honneur puisqu’elles ne combattent pas. 

On ressent un grand malaise devant ce film complaisant, mal structuré, mal construit, donnant peut d’information sur la vie réelle de la société afghane sous l’emprise du pouvoir obscurantiste des Talibans. L’absence flagrante des femmes dans ce film est une réponse en creux d’une terrible réalité. L’une des séquences poignantes du documentaire est celle de la visite de la cavité devenue vide ayant contenu la statue de Bouddha à Bamiyan. Le spectateur se sent saisi d’effroi devant ce sacrilège, commis au nom de Dieu, de la destruction de la figure sainte de Bouddha. 

6* Put Your Soul On Your Hand And Walk de la réalisatrice franco-iranienne Sepideh Farsi est un film documentaire poignant rendant hommage à la photoreporter palestinienne Fatima Hassona, tuée par une frappe aérienne israélienne en avril 2025. Le film a été présenté en première mondiale au Festival de Cannes dans la section parallèle ACID.

Le documentaire est construit autour d’une série d’appels vidéo intimes entre la réalisatrice Sepideh Farsi, basée à Paris, et Fatma Hassona, 25 ans, dans l’enclave assiégée de Gaza, par l’armée israélienne, en représailles du massacre d’israéliens, le 7 octobre 2023, par le Hamas. 

La mort tragique de Fatma Hassona et de sa famille, le lendemain de l’annonce de la sélection du film, au festival de Cannes, accentue l’horreur du drame vécu en direct. On ne peut que penser à ce que disait le poète Jacques Prévert à propos de la 2e Guerre mondiale : « quelle connerie la guerre, il pleut sur Brest ». L’Histoire bégaye devant la volonté de puissance des uns, niant la volonté de paix des autres.   

7* Resurrection de Bi Gan (Chine) est un magnifique exercice stylistique rempli de références à l’histoire mondiale du cinéma, depuis son origine (notamment l’expressionnisme allemand, en passant par le film noir des années trente (le clin d’œil à La Dame de Shanghai est évident), jusqu’à aujourd’hui. Bi Gan est un réalisateur devenu majeur en trois longs métrages (Kaili Blues, prix du meilleur cinéaste émergeant à Locarno 2015, Un grand voyage dans la nuit, sélectionné à Un Certain Regard à Cannes 2018, Résurrection, prix spécial du Jury Cannes 2025). 

8* It Was just An Accident du réalisateur iranien Jafar Panahi. Celui-ci est l’un des rares réalisateurs à avoir remporté la Caméra d’or 1995 à Cannes (Le Ballon Blanc), le Léopard d’or 1997 à Locarno (Le Miroir), le Lion d’or 2000 à Venise (Le Cercle), l’Ours d’or 2015 à Berlin (Taxi Téhéran), et plus récemment la Palme d’or 2025 à Cannes pour It Was Just An Accident. Ce film est construit comme un thriller explorant les effets durables du traumatisme politique, de la vengeance et de la justice. La portée morale du film a une valeur universelle. 

9* Burning Dust d’Ebrahim Saeedi (Kurdistan iranien) est un très beau film sur la lutte de l’homme contre la désertification. La photographie est magnifique. Chaque plan est travaillé. C’est un film d’une brûlante actualité en ces années de bouleversements climatiques. Le film pose de vraies questions sur le devenir humain. 

Le Palmarès du Netpac :

Le jury Netpac a décerné deux prix à des films d’un niveau exceptionnellement élevé : le prix Netpac du meilleur film long métrage de fiction et le prix Netpac du meilleur film documentaire.

Shadow Box est le premier film de fiction réalisé par Tanushree Das et Saumyananda Sahi. Das s’est chargé du montage, tandis que Sahi a écrit le scénario et a filmé. La complexité du scénario décrit la personnalité fragile d’un ancien militaire souffrant de stress post-traumatique, la force de caractère de sa femme, désormais rejetée par sa propre famille, qui soutient son mari, et la compréhension de leur fils, qui soutient ses deux parents dans leur lutte contre la pauvreté. L’amour si fort et inconditionnel qui règne au sein de la famille, donne une note d’espoir. Le casting magistral a permis d’obtenir des performances exceptionnelles qui donnent vie à ce film délicat et émouvant.

8e Festival du Film d’El Gouna du 16 au 24 octobre 2025 : qualité et élégance

Deming Chen lauréat du prix Netpac ©️JMTherouanne

Always, réalisé et filmé par Deming Chen (Chine-Taiwan-USA), a remporté le prix Netpac du meilleur film asiatique documentaire. Tourné dans le village de son enfance, le réalisateur dépeint la vie dans la Chine rurale d’un jeune garçon exceptionnellement doué et de ses camarades de classe. Le film est fortement marqué par l’identité culturelle chinoise. Le jury Netpac a été très impressionné par l’esthétique visuelle et la transposition de la poésie, du jeune garçon, en images filmées. 

La qualité exceptionnelle de ce film documentaire a retenu également l’attention du jury Fipresci qui lui a décerné son prix, et par celle du jury de la compétition documentaire, présidé par le grand documentariste français Nicolas Philibert, qui lui a décerné le prix suprême, l’étoile d’or du documentaire.

Jean-Marc Thérouanne

(Article rédigé le 26 octobre 2025 au retour du 8é Festival du Film d’El Gouna).

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