Tandis qu’une brume étrange semble envelopper une petite ville du Maine, David Drayton et son jeune fils Billy se retrouvent pris au piège dans un supermarché, en compagnie d’autres habitants terrorisés. David ne tarde pas à s’apercevoir que le brouillard est peuplé d’inquiétantes créatures… Leur seule chance à tous de s’en sortir consiste à s’unir. Mais est-ce possible quand on connaît la nature humaine ? Alors que certains cèdent à la panique, David se demande ce qui est le plus effrayant : les monstres qui rôdent dans la brume ou ses semblables réfugiés dans le supermarché ?
Après les académiques Les évadés (1994) et La ligne verte (1999), devenus des classiques, Frank Darabont adapte pour la troisième fois Stephen King avec The Mist (2007), une série B horrifique très réussie à placer entre La guerre des mondes de Steven Spielberg et Fog de John Carpenter.
Avec cette histoire de brume dissimulant des monstres lovecraftiens, The Mist évoque d’emblée le film précité de Carpenter à qui il fait un clin d’œil au début de l’aventure via le visuel de l’affiche de The Thing présent dans le studio du héros.
Très vite The Mist prend la forme d’un huis clos oppressant en mettant aux prises un microcosme composé de locaux d’une bourgade du Maine, réuni dans le temple de la consommation, un supermarché, avec des créatures fantastiques particulièrement belliqueuses mais aussi avec le pire ennemi qui soit : l’homme lui-même. Même s’il met en scène de pures scènes de genre, quelques affrontements mouvementés avec les créatures où la qualité des effets spéciaux est variable, le récit prend le temps d’examiner la part d’animalité de l’homme en situation de crise et de panique, une peur primale attisée par les prédications apocalyptiques d’une bigote démente jouée par l’excellente Marcia Gay Arden (Mystic river, Pollock). Là réside la grande qualité du film, dans une représentation terrible de l’hystérie collective, des dégâts du fanatisme religieux sur les esprits les plus fragiles.
En père courage, Thomas Jane (Peur bleue,The Punisher), plutôt bon, lutte contre l’ennemi venant de l’extérieur et de l’intérieur. La tension, exacerbée par cette unité de lieu, va crescendo jusqu’à un affrontement dramatique entre deux clans rivaux devant les caisses du supermarché, le lieu familial américain par excellence. De plus les effets spéciaux se font plus discrets dans la seconde partie avec ces échappés dans la brume épaisse où Darabont jouer habilement avec la peur de l’inconnu, de l’invisible.
Produit par un grand studio, The Mist est donc un film de monstre particulièrement subversif par sa critique des pratiques de l’armée (voir Godzilla, The Host), des dérives du fondamentalisme religieux, sa représentation pessimiste de l’humanité (seul un petit cercle d’individus croient en des valeurs fondamentales en période de crise comme la solidarité ou le courage), un recours fréquent au suicide ou ses plans explicites et suggérés d’enfants sacrifiés à cause de la folie des hommes.
Traumatisante, d’une noirceur absolue, la fin de The Mist est loin du happy end de rigueur dans ce genre de grosse production, conclusion cohérente au regard du déroulement du récit bien conduit et surprenant de ce grand film de monstres venu du pays de l’oncle Sam.
Technique
Ces deux nouveaux blu-ray (16 ans après celui de TF1 Vidéo), issus du coffret 4K UHD, transmis par l’éditeur L’Atelier d’images, présentent le film restauré d’après un master intermédiaire 2K. La définition est considérablement accrue et la gestion du grain 35 mm est bien mieux maîtrisée; de plus on apprécie, sur la version couleur, le rééquilibrage chromatique avec ses couleurs plus froides que dans la précédente édition aux dérives magenta. La version noir et blanc (sur un blu-ray à part), à conseiller, est la préférée du réalisateur qui voulait retrouver la patine et le charme rétro de séries B d’horreur comme La nuit des morts vivants de George Romero et les films de Jack Arnold des années 50. Cette version Director’s cut a l’avantage d’atténuer le rendu perfectible des images de synthèse (très datées), employées pour le look des différentes créatures et d’accentuer, par contraste, l’aspect dramatique de la brume. La piste anglaise Dolby Atmos (TrueHD 7.1) s’avère plus dynamique que son homologue française avec ses puissants effets surround lors des attaques des créatures dans le supermarché et le drugstore; à noter également la belle présence de la musique de Mark Isham et des nombreuses voix.
Bonus
L’Atelier d’Images nous offre, sur le blu-ray de la version couleur, un florilège de suppléments de grande qualité, un bonus inédit ainsi que les modules repris de l’antique blu-ray de TF1 Vidéo.
Présentation du film par Julien Dupuy (réalisateur) (42′, inédit) : passionnante analyse par le journaliste et réalisateur qui revient sur la carrière de Frank Darabont, compile des secrets de tournage, analyse les différents thèmes tout en délivrant moult infos techniques (tournage sur pellicule Fuji). Il pointe les « références digérées sur lesquelles Darabont s’appuie pour proposer quelque chose de nouveau, qui vient de lui ».
Quand viennent les ténèbres le making -of (38’) : un making-f d’époque avec images tournage, interviews du cast et de l’équipe technique comme le production designer, le directeur photo ou bien encore le superviseur des effets spéciaux de maquillage et créature Greg Nicotero. Le réalisateur Frank Darabont s’exprime longuement sur sa troisième adaptation de Stephen King, une nouvelle issue du recueil Danse Macabre : « ce qui est attirant, c’est que c’est une histoire de monstres en fait en apparence, mais au fond Stephen King raconte une autre histoire, il parle de la fragilité du comportement humain. Il nous dit que la civilisation est un vernis qui peut s’écrouler facilement surtout face à la peur. Les gens soumis à la peur, se retournent les uns contre les autres ». Ce passionnant making-of montre un très bon aperçu d’un tournage restreint sur 37 jours, avec un décor du supermarché et de la pharmacie construits en 6 semaines et une équipe soudée et inventive notamment le directeur de photo, ses opérateurs emmené par un Darabont qui a mis en pratique son expérience de tournage d’un épisode de The Shield pour shooter avec un style documentaire, 2 caméras en même temps, l’attaque des créatures dans le supermarché.
Making of de la scène, 35 (12’) : anatomie de l’impressionnante scène mettant en scène des créatures, oiseaux, insectes, du feu, 70 figurants et 25 acteurs plus les effets visuels mécaniques et les cascades. A noter, incroyable, une improvisation presque entière du tiers des mouvements de caméra et des plans d’une séquence contenant des effets spéciaux, Darabont a en effet abandonné le storyboard pour réinventer cette séquence : « c’est la scène qui contient le plus d’action et des faits à la fois, on a mis six jours à la tournée pour une séquence de 10 minutes « .
Conversation entre Stephen King et Frank Darabont (12’) : échange admiratif entre le King et Frank Darabont
Appréciation d’un artiste avec Drew Struzan (8’) : hommage au créateur d’affiches mythiques comme Indiana Jones, Star Wars, Retour vers le futur et The Thing dont le travail est mis à l’honneur au début du film
Scènes coupées avec les commentaires optionnels de Franck Darabont (15’) : une dizaine de scènes à voir de préférence avec les commentaires du réalisateur
Les monstres sont parmi nous (13’) et L’horreur en grand effet visuel (16’) : modules techniques sur les effets spéciaux dont les marionnettes de Nicotero et les effets visuels de feu la boîte CafeFX
Webisodes (10’) complètent l’interactivité de ce disque blu-ray avec la version couleur.
Enfin le blu-ray avec la version en noir et blanc contient un commentaire audio de Frank Darabont et de la productrice Denise Hut, de quoi contenter les cinéphiles les plus exigeants.
A noter que L’Atelier d’images propose The Mist en 4KUHD dans une édition Boitier Métal Steelcase limitée à 1500 exemplaires avec 2 disques 4K UHD-100 (HDR10 + Dolby Vision) et 2 Blu-ray BD-50.


