Du Vietnam au Liban, le colonel Terry Childers a combattu sur tous les fronts. Vénéré par ses hommes, il est presque devenu une légende. Aussi, quand l’ambassade américaine au Yemen est cernée par des émeutiers, le secrétariat d’Etat le charge de son évacuation. Sur place, la situation prend le colonel Childers de court. Face à une foule armée et incontrolable, il ordonne d’ouvrir le feu. Cette tuerie conduit le héros de l’Amérique devant un tribunal militaire. Abandonné de tous, il se tourne vers un ancien compagnon d’armes, le colonel Hodges, qui va assurer sa défense.
Au début des années 2000 le réalisateur culte William Friedkin tente de se remettre en selle après une longue traversée du désert (son dernier grand film remonte à 1985, Police Fédérale Los Angeles) avec L’enfer du devoir (Rules of engagement, 2000), commande de la Paramount et du producteur Richard Zanuck.
Rattaché au sous-genre du film de procès, L’enfer du devoir s’articule autour de la terrible séquence de l’attaque de l’ambassade américaine au Yemen, séquence qui fit polémique.
Le tournage de la partie yéménite eut lieu à Ouarzazate dans le sud du Maroc sur un plateau de l’Atlas, 3 semaines de travail pour 15 minutes à l’écran. Pour Friedkin « le raid sur l’ambassade américaine qui se déroule à la Casbah fut la séquence la plus difficile que j’ai jamais eu à tourner, la plus réaliste aussi » (Friedkin connection, autobiographie indispensable pour les cinéphiles). En effet pour cette séquence où les militaires essuient le feu de redoutables snipers Friedkin mit à profit son passé de documentariste, une recherche de réalisme en mode documentaire de guerre pour dire, avec de nombreux plans serrés et gros plans sur les soldats, le chaos d’un tel affrontement lourdement armé. Cette séquence pleine de bruit et de fureur est remarquablement mise en scène et découpée, à l’instar de la séquence d’ouverture située pendant la guerre du Vietnam. En revanche la conclusion de cette séquence yéménite pose question, soit un bain de sang qui sera montré deux fois, à une heure d’intervalle, avec un effet de montage terriblement roublard : des plans de la foule en rage sont retranchés du passage initial pour générer de l’empathie pour cette foule de victimes présentée in fine comme des bourreaux, sans parler d’un plan ridicule très provoc avec une fillette mettant en joue les marines.
Si Samuel L. Jackson et Tommy Lee Jones campent leurs personnages avec solidité et la tentative de Friedkin de jouer avec les codes du film de procès est relativement intéressante L’enfer du devoir pêche par des choix de montage discutables et une morale très douteuse. Pour Friedkin, dans le making-of du film, « le public est seul juge. Les spectateurs décideront d’eux-mêmes, si Childers (Samuel L. Jackson ) est coupable ou non ».
Juste après sa sortie le film fit l’objet de plaintes par le comité anti-discrimination des américains d’origine arabe. Il fut condamné par un ancien ambassadeur américain au Yémen, comme l’ambassadeur du Yémen à Washington D.C de l’époque; des manifestations eurent lieu dans quelques villes des États-Unis. L’enfer du devoir marcha très bien au box-office mondial (72M$) et permit à Friedkin de rebondir après l’échec de Jade (1995), un Basic Instinct low coast avec Linda Fiorentino et David Caruso; beaucoup de critiques surtout en France émirent de nombreuses réserves pour ce film jugé comme un des plus faibles de la filmo impressionnante de Friedkin. L’ éminent historien et critique de cinéma Jean-Baptiste Thoret juge « très problématique » L’enfer du devoir, « un film de procès qui tourne autour d’une espèce d’image manquante et la question est de savoir si cette image manquante est exclusivement dans l’oeil du personnage de Samuel L.Jackson ou si elle est objective (SPOILER). En l’occurence oui elle l’est car on va la voir sous la forme d’une cassette vidéo que va brûler un secrétaire d’Etat » (numéro 374 de Mad Movies).
Long-métrage le moins aimable dans une filmographie passionnante avec 4 chefs d’œuvre dans les années 70 et 80, French connection (1971), L’exorciste (1973), Sorcerer (1977) et Police Fédérale, Los Angeles (1985), L’enfer du devoir sera suivi 3 ans plus tard d’un autre film viriliste, Traqué, très efficace film d’action à la Rambo avec Tommy Lee Jones et Benicio del Toro, un pur film de mise en scène, tendu comme un arc. Le dernier grand film de William Friedkin (disparu en 2023) est Killer Joe (2011), polar poisseux et nihiliste avec un Mathew McConaughey démentiel d’après une pièce de théâtre de Tracy Lord comme le dingo Bug (2007).
Technique
La restauration 4K a été réalisée à partir d’un nouveau scan du négatif original. Le résultat est épatant avec une définition pointue (nombreux détails sur les visages), un étalonnage HDR10 bien travaillé (dominante verdâtre pour le Vietnam, orangée/marron pour le Yémen et rendu plus neutre pour les scènes aux États-Unis), des contrastes solides et un respect du grain 35 mm.
Sont proposées deux pistes en DTS-HD Master Audio 5.1, en version originale comme en version française. Comme souvent la VO se révèle plus énergique, notamment lors des deux grosses scènes d’action de la première partie du film que son homologue française VF. Les deux pistes ont un bon mixage avec des dialogues clairs, des effets d’ambiance détaillés et un score limpide.
Une édition 4K UHD exemplaire sur le plan technique proposée par L’Atelier d’images.
Bonus
L’Atelier d’images propose comme bonus une intéressante présentation du film par Rafik Djoumi de Capture Mag (28’) plus d’anciens bonus précieux pour avoir un éclairage sur les intentions du réalisateur et les conditions de tournage : interviews des acteurs et de l’équipe du film (13’), making of (24’).


