Une nuit, lors d’un exercice d’entraînement, un ouragan frappe Panama. Six militaires dont l’autoritaire sergent West disparaissent et il ne reste que deux témoins pour raconter ce qu’il s’est passé. L’agent Tom Hardy, qui travaille pour la Drug Enforcement Administration, est rapidement appelé sur les lieux pour mener l’enquête aux côtés du lieutenant Julia Osborne, qui n’a obtenu aucune information des deux survivants. L’un d’eux a en effet insisté pour ne parler qu’à Tom Hardy. Julia Osborne, surprise par cette demande, s’interroge sur le lien pouvant exister entre ce dernier et toute cette histoire. La vérité sera difficile à obtenir. En tout cas, une chose est sûre, ce n’est pas l’ouragan qui est la cause de la disparition du sergent West et de ses hommes…
Dernier film du grand John McTiernan avant ses ennuis judiciaires, Basic (2003) se rattache au genre du thriller militaire, en apparence un film d’action dont il a le secret, avec un casting quatre étoiles composé de John Travolta, Samuel L.Jackson et Connie Nielsen,
McT, le spécialiste du grand cinéma d’action des 80’s et 90’s, avec des chefs d’œuvre comme Predator, Piège de cristal, Une journée en enfer, la joue en mode Rashomon avec une histoire à énigmes où les indices sont disséminés petit à petit et se multiplient les points de vue sur le drame originel via des flash-back, l’affrontement entre des soldats lors d’un entraînement dans la jungle panaméenne. Basic ne contient qu’une scène d’action, celle d’ouverture répétée avec des variations sur le principe du chef d’oeuvre de Kurosawa. Le scénario est basé selon une logique de répétition et de variation à partir de cette même scène via les témoignages des survivants/suspects. Cette scène pivot est répétée tant de fois qu’elle se transforme en un exercice abstrait. Les flash-back contradictoires sont narrés par des personnages qui jouent un rôle, portent des masques, comme dans le théâtre de Pirandello, référence pour McT qui a eu une formation théâtrale à l’école Juilliard de New York au début des années 70.
La jungle et précisément le décor d’une cabane abandonnée que l’on aperçoit à travers des flash-back narratifs s’apparente à une scène de théâtre où est mis en place un huis clos psychologique avec examen de la psyché des différentes acteurs du drame. A chaque occurrence les paroles des rangers y sont mises en doute dans une atmosphère paranoïaque étouffante. Chez John McTiernan, la jungle est un personnage à part entière, un lieu d’affrontement, voir l’implacable chasse à l’homme dans Predator ou bien un lieu d’épanouissement comme dansMédecine Man. Son cinéma tire le meilleur de la configuration fermée des lieux (la jungle de Predator, le sous-marin d’A la poursuite d’octobre rouge, la tour dans Piège de cristal, la ville de N-Y dans Une journée en enfer), très souvent un microcosme est attaqué, un territoire envahi. McT adore explorer les mondes fermés, avec un petit groupe d’individus arpentant un territoire délimité, entouré de ténèbres. Dans Basic la base militaire est envisagée comme une scène de théâtre, avec ses pièces confinées comme la cafétéria, lieu de l’interrogatoire d’un témoin clé mais aussi la cabane dans la jungle.
Dans ce film, un des plus dialogués de sa carrière, la mise scène est toujours aussi précise et efficace avec des panotages pour suivre les dialogues et créer un sentiment de tension, des gros plans pour saisir toutes les nuances du jeu des acteurs notamment le body language. McT joue sur les mouvements d’objectifs en balayant le champ constamment et en fixant rapidement un point précis en laissant le reste dans le vague avec de nombreuses corrections de variation de la mise au points et utilise judicieusement les jump cut. « La caméra est un narrateur actif dans un thriller, elle doit vous dire comment évaluer chaque information et la replacer dans le contexte. » déclare le réalisateur dans le commentaire audio sur le disque blu-ray.
Cette histoire à énigmes est portée par un duo romantique où chacun y va de son trait d’esprit lors des échanges verbaux très dynamiques comme dans une screwball comedy, acmé de cette tension sexuelle une empoignade musclée entre Hardy et Osborne dans le dernier acte où le rapprochement des corps, des visages est interrompu par l’interruption d’une arme dans le plan. John Travolta, en interrogateur de la DEA hors-pair (un personnage dit de lui qu »‘il cuisine un suspect plus vite qu’un micro-onde »!), est tout en suavité et roublardise, Connie Nielsen, le lieutenant Osborne, campe une belle héroïne bad-ass qui ne s’en laisse pas compter dans un univers masculin, beau personnage féminin comme celui interprété par René Russo dans la relecture de L’affaire Thomas Crown. Effrayant, le sergent West, interprété par par Samuel Jackson, peut être vu comme un cousin du sergent instructeur Hartman de Full metal Jacket.
Basic, le dernier film de John McTiernan, n’est sans doute pas aussi éblouissant que les réussites incontestables citées mais est de très bonne facture, avec sa narration à la Rashomon riche en rebondissements, une jubilation manifeste à empiler les rebondissements et les twists pendant 90 minutes et filmer avec une virtuosité inégalée un beau trio d’acteurs dans des joutes verbales.
Technique
Cette copie présente un piqué assez doux, il s’agit d’un upgrade conséquent et appréciable par rapport au DVD, notamment sur la netteté des visages et le rendu des couleurs bleues dominantes dans les scènes en flash-back dans la jungle du Panama comme dans les arrière-plan des scènes au présent situées dans la base militaire. Le mixage est bien dynamique avec des pics d’activité lors des scènes de flash-back pour la partie action dans la jungle.
Bonus
Les bonus de ce disque blu-ray édité par ESC sont nombreux et très intéressants : making of, constitué des interviews de John Travolta Conen et de Brian Van Holt (15′); entretien d’époque avec John McTiernan (22′); le film vu par le scénariste James Vanderbilt qui s’exprime notamment sur les changements opérés dans le script originel et les coupes au montage, l’occasion de visionner 2 scènes coupées intéressantes (17′); le film vu par l’équipe soit des interviews de tout le casting, du producteur, et bien sûr du réalisateur John McTiernan, avec des images du tournage (22′) sans oublier le commentaire audio de John McTiernan comme toujours pour les fans un supplément incontournable pour connaître les secrets du maître du cinéma d’action.


