Death Stranding : nos impressions !
Death Stranding : nos impressions !

Death Stranding : nos impressions !

Depuis longtemps annoncé, longtemps teasé, longtemps espéré, presque redouté, Death Stranding est enfin sorti. Marquant le retour d’Hideo Kojima après le douloureux accouchement de Metal Gear Solid V, ce titre est autant l’occasion pour son réalisateur de tourner une fois pour toute la page Konami tout en confirmant à ceux qui en doutaient que non, son talent pour créer des pépites, voire des chefs d’œuvre, est loin de se limiter à Metal Gear.

Petite remise en perspective pour ceux du fond : si on lui doit des titres moins connus comme Snatcher ou Policenauts, le nom de Hideo Kojima reste attaché à celui de Metal Gear, saga initiée sur MSX qui a atteint le rang de culte après le premier volet Playstation, Metal Gear Solid. Quatre suites et quelques spin-off plus tard, le développpement de Metal Gear Solid V est marqué par le « divorce » entre Kojima et Konami, le studio-éditeur historique de la saga de Kojima. Un divorce qui touchera de plein fouet MGS V, tronqué d’une partie de son contenu (notamment sa vraie fin), et qui marque la fin du contrôle de Kojima sur la licence qu’il a initié en même temps que l’avortement du projet Silent Hills qui rassemblait Kojima, le réalisateur Guillermo Del Toro et l’acteur Norman « The Walking Dead » Reedus. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts des deux côtés : Konami a développé Metal Gear Survive (confirmant que la saga n’est rien sans son créateur) tandis que Hideo Kojima a créé son propre studio afin d’avoir les coudées franches pour donner vie à son nouvel univers : Death Stranding.

Death Stranding : nos impressions !

Dès les premiers niveaux de Death Stranding, un sentiment étrange nous assaille avant de se confirmer au fil d’une aventure dont nous ne dirons rien pour ne pas spoiler, l’intrigue allant évidemment bien au-delà d’un simple Rando-Fedex Simulator comme évoqué par les trolls. L’univers a beau être totalement nouveau et régi par ses propres règles baties autour de la catastrophe du Death Stranding (sorte de cataclysme ayant lié le monde des vivants et des morts), la patte de Kojima est toujours là, presque palpable, comme une main familière qui nous guiderait à travers l’inconnu. Une patte d’abord scénaristique, mélange des thèmes de prédilection du réalisateur (dérives biologiques et technologiques, manipulation, quête d’identité, écologie, discours anti-guerre…). Mais loin de nous resservir la même soupe que les Metal Gear, Death Stranding opte pour une approche plus abstraite, voire contemplative, dans la lignée des films de Nicolas Winding Refn (Drive, Valhalla Rising…) que l’on aurait mélangée au style plus poétique et fantastique de Guillermo Del Toro (le Labyrinthe de Pan, la Forme de l’Eau…), le tout mis en scène avec le style virevoltant, les poses iconiques et les jeux avec le quatrième mur dont est friand Kojima. Plus que du copinage, que ce dernier offre un rôle dans le jeu aux deux premiers sonne comme une revendication de son approche à la lisière des genres. Et c’est peut-être là que l’histoire de Death Stranding étonne le plus, en étant à la fois là où on l’attendait tout en nous prenant par surprise à chaque instant, bien aidée par des personnages taillés au scalpel où même les plus grosses ficelles parviennent à susciter une sincère émotion (mention au lien entre Mama et Lockne) et où il suffit parfois d’une simple apparition pour faire frissonner le joueur (à ce niveau, Higgs se taille la part du lion !). Sans oublier le héros, Sam Porter Bridges, dont la personnalité assez lisse contrastera de façon bienvenue avec les personnages azimutés qui peuplent le jeu. Bref, vous l’aurez compris malgré notre souhait de préserver le mystère : côté scénario et mise en scène, Death Stranding place la barre très haut, mais plus encore qu’un certain Red Dead Redemption 2 dont il partage la durée de vie astronomique, il ne se dévoilera véritablement qu’aux joueurs prêts à prendre leur temps. Prendre le temps d’apprendre. De découvrir. De vivre, tout simplement.

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Le temps est d’ailleurs au cœur du gameplay de Death Stranding, dans tous les sens du terme. En effet, l’accent étant mis sur les livraisons à effectuer pour « reconnecter le monde », il vous faudra tenir compte de nombreux éléments, allant de la distance à parcourir aux obstacles – naturels, humains ou d’un autre monde – qui vous attendront en route, sans oublier certains colis à délivrer dans un délai imparti et évidemment le poids et la répartition des colis qui influera directement sur votre vitesse, votre équilibre et votre endurance. Bref, autant de points à prendre compte dans les menus avant de vous lancer dans la moindre livraison, sous peine de ne pas en voir le bout. En passant, impossible de ne pas saluer le travail réalisé sur les animations de Sam, bluffantes de réalisme et favorisant clairement l’immersion, au point de rendre le joueur attentif au moindre de ses signaux de faiblesse.

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Pour réaliser votre tâche, vous pourrez compter sur de nombreux outils et accessoires, depuis les vêtements aux exosquelettes en passant par les cordes de rappel, les échelles et évidemment des armes, mais il faudra tenir compte de leur niveau de batterie – pour les appareils électriques – et surtout de leur résistance aux intempéries. Car oui, le temps, au sens de météo, sera également à ne pas oublier en route puisque si le soleil rechargera lentement la batterie de vos accessoires, la pluie et la neige deviendront vite vos pires ennemis. Liées au Death Stranding, les précipitations accélèrent le vieillissement des organismes (humains, végétaux, métaux…) qu’elles touchent. Autrement dit, un humain en pleine force de l’âge deviendra sous la pluie un vieillard en quelques instants, tandis que vos marchandises s’abîmeront bien plus vite, avec l’impact que vous imaginez sur vos livraisons. Mais surtout, les précipitations indiqueront les zones où vous risquez de croiser des Echoués – entités entre deux mondes et cherchant à vous entraîner hors du monde des vivants. Si avec le temps, vous obtiendrez les moyens de vous défendre, il vous faudra dans un premier temps apprendre à vous infiltrer (coucou Metal Gear !) sans éveiller l’attention des Echoués, sous peine d’être repéré et de changer rapidement d’ambiance… Oui, là aussi, on préfère vous préserver la surprise, mais on veut bien parier que votre première défaite face aux Echoués devrait marquer votre mémoire de joueur, et on ne parle même pas de votre première rencontre avec Higgs ou des combats de boss…

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Vous l’aurez compris, le monde de Death Stranding est extrêmement hostile, mais outre vos jambes et les divers véhicules, vous pourrez également compter sur votre BB pour sauver votre peau. Non, il ne s’agira pas d’un droïde sphérique, mais d’un vrai foetus que vous conserverez avec vous en permanence, bien au chaud dans son cocon artificiel, et qui sera votre lien avec les Echoués, vous permettant de les repérer pour mieux les éviter ou les attaquer. Le statut du BB sera d’ailleurs intéressant à suivre du point de vue du joueur tant il oscillera constamment entre le simple outil et le véritable personnage, avec les questionnements que cela implique. Du pur Kojima, en somme.

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Le « pur Kojima » se retrouvera également sur l’aspect technique. Les Metal Gear Solid nous ont toujours habitué à être des bijoux sur ce plan, et Death Stranding suit la même lignée. Domptant avec une maestria impressionnante le moteur Decima (celui d’Horizon Zero Dawn), les équipes de Kojima nous offrent ce qui est clairement à date le plus bel open world vu sur consoles, seul Red Dead Redemption 2 pouvant peut-être rivaliser. Feuillages, bâtiments, ruines, néons, particules, effets de lumière… Absolument aucun élément du décor n’est pris à défaut, pas même les cours d’eau et la neige, parmi les plus beaux vus à date. Les paysages islandais ayant largement inspiré le jeu, inutile de dire combien Death Stranding leur offre un écrin de premier choix et ne manquera pas de rappeler des souvenirs aux joueurs ayant eu la chance d’y voyager auparavant… Ce soin graphique se retrouve dans les moindres détails, si bien qu’on restera parfois pantois devant une simple couche de rouille se formant sur les marchandises ou sur la pousse accélérée des végétaux soumis à la pluie. Et que dire du rendu graphique des personnages et de leurs expressions : juste impressionnant, et parfaitement à la hauteur de la direction artistique dantesque de Death Stranding. En passant, impossible de ne pas saluer les cartons accompagnant l’apparition de chaque personnage majeur et qui – c’est une première de mémoire de joueur – vont jusqu’à mentionner le nom du doubleur aux côtés de celui de l’acteur prêtant ses traits au personnage. Un véritable hommage pour ces artistes de l’ombre trop souvent oubliés, et une précision utile puisque les acteurs prêtant leurs traits aux personnages de Death Stranding ne leur prêtent pas forcément leur voix pour autant, en VO (Guillermo Del Toro, Nicolas Winding Refn) comme en VF (assurant la VO, Léa Seydoux ne se double pas en français).

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Sur le plan sonore, ces petites finesses dans le doublage n’enlèvent heureusement rien aux personnages, tous excellemment bien campés en VO comme en VF. Sur ce dernier point, on saluera d’ailleurs la présence d’Emmanuel Karsen (VF officielle de Norman Reedus) et surtout la performance de David Kruger (VF de Michael Shannon et The Rock), qui nous offre un Higgs aussi fascinant que proprement flippant, aux faux airs du Bane de The Dark Knight Rises, excusez du peu ! Coté bruitages, c’est là aussi un sans faute avec des effets mêlant futuriste et rétro (hilarants bruitages des bots ou des rêves du BB façon connexion de modem internet) et qui sauront même se faire parfois oublier durant certaines phases où l’action laissera place à la contemplation sur fond de lecture automatique d’une chanson de Low Roar ou d’un autre artiste. De quoi sublimer un périple déjà inoubliable.

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A une époque où les jeux AAA peinent à prendre des risques, Death Stranding résonne comme une lueur d’espoir, rappelant qu’il est encore possible pour un jeu à très gros budget de prendre d’énormes risques, de donner vie un univers aussi original que fascinant, tout comme à un gameplay faisant la part belle à l’exploration et à l’émotion plutôt qu’à l’action, et en prime nous asséner d’innombrables gifles autant artistiques que techniques. Certes, à l’image des Metal Gear, le dernier-né de Kojima risque de diviser selon les attentes des joueurs qui s’y frotteront, mais tout comme la saga de Snake, cela n’empêche pas Death Stranding de nous offrir l’une des plus belles expériences vidéoludiques de mémoire de joueur, et de mériter amplement sa place au panthéon des jeux vidéo.

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