Après l’accueil public mitigé du précédent opus, le studio DICE revient aux bases de sa licence-phare avec Battlefield 6. Exit les conflits futuristes, retour à la guerre moderne contemporaine. Prêt à retourner sur le champ de bataille ?
Battlefield et les joueurs, c’est une histoire d’amour qui remonte désormais à 2002 avec la sortie du premier volet, Battlefield 1942. Orienté dès cet opus sur l’expérience multijoueurs uniquement, le jeu de DICE oppose 32 joueurs sur un champ de bataille où deux camps doivent s’affronter pour le contrôle des différents objectifs. Le succès critique et public est là, la licence Battlefield est lancée et profite illico de Battlefield 2 pour monter le nombre de joueurs à 64 au total, troquant au passage la Seconde Guerre Mondiale pour les conflits modernes. La base est désormais là, et les futurs opus respecteront à la lettre cette formule (Battlefield 3 et 4), tout en nous gratifiant de quelques spin-off n’hésitant pas à la tordre, parfois pour le meilleur (Bad Company 2, bien que limité à 32 joueurs, reste encore aujourd’hui une référence), sans oublier l’ajout de campagnes solo. Cependant, l’univers des conflits modernes devenant la nouvelle figure de proue de la plupart des FPS de l’époque, l’éternel rival Call of Duty en tête, DICE décide finalement de jouer la carte de l’originalité en nous plongeant d’abord en pleine Première Guerre Mondiale (Battlefield 1) avant de retrouver la Seconde Guerre Mondiale (Battlefield V). Si elle est souvent oubliée lorsque l’on parle de Battlefield, l’originalité des contextes historiques/narratifs est d’ailleurs un des aspects les plus importants de la saga, DICE n’ayant jamais hésité à se mettre en danger en allant plonger le joueur dans des environnements parfois inattendus pour sa licence, et souvent en avance sur ses concurrents. Outre le choix des conflits modernes pour Battlefield 2 (avant un certain Modern Warfare, donc) ou de la Première Guerre Mondiale, Battlefield n’aura pas attendu longtemps pour nous plonger dans les guerres futuristes (BF 2142), les poursuites flics/voyous (Battlefield Hardline), avant de chercher un entre-deux avec la guerre moderne « améliorée » de Battlefield 2042. Malgré d’indéniables qualités, des choix osés pour la licence et certaines joyeusetés de gameplay à saluer (dont un passage à 128 joueurs au total), BF 2042 peine à convaincre le public (peu aidé par un lancement chaotique), et on sent clairement que la licence est désormais en danger. Ni une ni deux, EA met les petits plats dans les grands en appelant à la rescousse Vince Zampella (co-fondateur d’Infinity Ward, les créateurs de Call of Duty, puis du studio Respawn, les créateurs de TitanFall et Star Wars Jedi Fallen Order/Survivor). Sa mission : faire de Battlefield 6 un succès.

Dès ses premières images promotionnelles, c’est peu dire que Battlefield 6 éveille quelque chose chez le public. Exit les conflits passés ou futuristes, BF6 revient officiellement à un univers de guerre moderne contemporaine, ici en prenant pour contexte narratif une intrigue hollywoodienne où l’on suit un conflit opposant les forces restantes de l’OTAN à la Pax Armata, une armée privée lancée dans une quête de domination mondiale. Qu’importe que ce scénario soit dans la veine d’intrigues vues et revues, ces premières images sont si spectaculaires visuellement (mention à la destruction du pont de Brooklyn), sans compter un gameplay prometteur et le retour d’une campagne solo, que la sphère vidéoludique s’emballe immédiatement. Que l’on soit fan ou non de la licence de DICE, la hype est bien là, presque palpable, certains n’hésitant pas à voir en Battlefield 6 un nouveau retour aux sources (celles de BF3 et 4), voire même un rival digne de ce nom au nouveau Call of Duty, nous renvoyant à la grande époque de la rivalité récurrente entre ces deux sagas. Quelques mois plus tard, le titre de DICE est enfin là, et le verdict peut enfin tomber.

Faisons simple : oui, le multijoueurs de Battlefield 6 est bel et bien un retour aux fondamentaux de la saga. Point de joyeusetés technologiques (exit la wingsuit ou le grappin) ou météorologiques (ni tornades, ni tempêtes de sable), c’est bien dans la guerre moderne « à l’ancienne » que ce nouvel opus nous plonge. Celle où le champ de bataille se déforme au gré des affrontements et des explosions, depuis les effondrements de bâtiments aux trous dans le sol. Celle où les bidasses doivent évoluer au milieu de la poussière et de la fumée, ramper dans la boue, courir sous les sifflements des balles ennemis et les déflagrations des obus. Celle où la victoire ne dépend pas des actes isolés d’un seul joueur, mais de la coopération de tout le monde, depuis l’escouade de 4 joueurs à l’équipe de 32 joueurs (pour un maximum de 64 joueurs donc, comme à l’ancienne depuis BF2 là aussi). Si les ambiances d’autrefois de BF1 et BFV ne manquent pas de qualités encore aujourd’hui, il ne faut que quelques instants pour comprendre que BF6 représente possiblement la « vraie » suite de BF3 et BF4 que les fans attendaient de longue date.

Il ne faudra d’ailleurs que quelques instants aux joueurs ayant connus ces précédents opus pour retrouver leurs marques, qu’il s’agisse du gameplay ou des modes de jeu. Concernant ces derniers, on retrouve évidemment le système de tickets (1 mort = 1 ticket en moins pour l’équipe, le contrôle des points d’intérêts accélérant la perte de tickets de l’équipe adverse) qui englobe la plupart des modes de jeu, en tête desquels on retrouve l’emblématique mode Conquête (64 joueurs s’affrontant pour le contrôle de points d’intérêts sur une grande map) ainsi que le mode Percée (une équipe Attaquants doit prendre possession de points d’intérêts défendus par l’équipe Défenseurs. En cas de succès, de nouveaux points d’intérêts apparaissent, obligeant les Défenseurs à reculer). Pour des affrontements à plus petite échelle, on retrouve également les modes Ruée (les attaquants doivent poser des bombes sur des zones défendues), Roi de la Colline (deux équipes s’affrontent pour le contrôle d’une seule zone) et Domination (version plus resserrée de Conquête), sans oublier des modes Deathmatch en équipe ou en escouades. Toutefois, c’est sur l’arrivée du nouveau mode Expansion qu’il convient de s’attarder. Juste milieu entre Conquête et Percée, Expansion demande à deux équipes de s’affronter pour le contrôle de points d’intérêts comme dans Conquête, la nuance résidant dans le fait qu’en cours de partie, certains points sont retirés de la liste, obligeant les équipes à se réorganiser pour le contrôle des points restants. Derrière ses airs anodins, la touche d’aléatoire et de dynamisme qu’il apporte permet assurément à Expansion de tirer son épingle du jeu, et on ne serait pas surpris de le voir remporter les suffrages de la communauté. Enfin, si ces modes ne vous suffisent pas, l’interface Portal (excellente idée rescapée de BF2042) dédiée à la création d’expériences par la communauté, fait son retour et profite déjà, à date de notre test, de sympathiques idées, à l’image de modes inspirés de Ace Combat (pilotage d’avion de chasse) ou de Counter-Strike.
En termes de gameplay, on reste sur les bases des « bons vieux » Battlefield 3 et 4. Courir, s’accroupir, sprinter, ramper, franchir des obstacles, sauter en parachute, prendre les commandes des véhicules terrestres et aériens… Absolument tout ce qui fait le charme de la licence est de retour, avec en prime l’ajout de la glissade qui ajoute un dynamisme bienvenu aux déplacements à pied. De même, on appréciera le retour des systèmes de tyroliennes automatiques aux abords des bâtiments, qui font là aussi gagner en rapidité de déplacement ce qu’elles font perdre en réalisme. « Dynamisme » semble d’ailleurs avoir été un des mots d’ordre pour ce BF6 tant les affrontements semblent bien plus frénétiques qu’auparavant, lorgnant de plus en plus sur un feeling arcade. Un sentiment accentué par des maps bien plus resserrées que dans les précédents opus à 64 joueurs, demandant d’être constamment sur le qui-vive, prêt à appuyer sur la gâchette sous peine de se faire surprendre au moindre croisement. De quoi y faire perdre en tactique ce que l’on gagne en dynamisme. Il sera d’ailleurs facile d’y voir une « Call-of-Dutisation » de la licence Battlefield, mais nul doute que cette approche est totalement assumée, voire même revendiquée, par la présence de Vince Zampella à la création du jeu, comme évoqué plus haut. En termes de plaisir immédiat, il est indéniable que ce choix est payant au premier abord, mais il reste à espérer la licence Battlefield n’y perde pas sur le long terme ce qui fait son âme depuis BF1942.

N’allez toutefois pas croire que Battlefield 6 n’est plus Battlefield. Si le gameplay d’infanterie est bien plus nerveux qu’auparavant, l’importance du travail d’équipe est toujours primordiale, et on vous conseillera vivement de ne pas négliger votre équipe, et notamment vos compagnons d’escouade. En effet, chaque escouade est composée de 4 joueurs, soit autant que le nombre de classes de personnages (Assaut, Soutien, Ingénieur, Eclaireur), chacune ayant ses propres spécialités et armes dédiées. Par exemple, le Soutien pourra soigner et ravitailler ses frères d’armes, alors que l’Ingénieur aura accès aux outils de destruction et de réparation de véhicules. Inutile de dire qu’il vaudra mieux alterner les classes au sein de son escouade pour gagner en efficacité sur le terrain, tout en n’hésitant pas à alterner soi-même entre les classes au fil des parties pour gagner en capacité d’adaptation. En passant, on appréciera qu’il soit toujours possible de soigner ses équipiers d’escouades sans avoir besoin d’être Soutien, sans oublier l’animation permettant de trainer sur le sol vos équipiers pendant que vous les ranimez. Une mise en scène simple, mais diablement efficace !

La mise en scène est d’ailleurs un autre élément à saluer. En effet, si les Battlefield ont très tôt revendiqué une forme d’aspect « simulation », toutes proportions gardées, cela n’a jamais empêché la licence de nous gratifier de ce qu’il convient désormais d’appeler les « moments Battlefield », caractérisés par des scènes de gameplay n’ayant rien à envier aux plus grosses productions hollywoodiennes. Si le mode solo nous gratifiera régulièrement de ces moments, bien aidé par les animations scriptées et surtout un moteur de jeu apte à décoller la rétine, le multijoueurs ne sera évidemment pas en reste. Le champ de bataille, soigné dans les moindres détails et apte à accueillir les moindres pulsions destructrices des joueurs, sera régulièrement le théâtre de scènes telles qu’un avion de chasse s’écrasant à vos pieds dans un déluge de flammes, d’un tank volant en éclats dans un feu d’artifice (mention à la tourelle projetée dans les airs) ou d’une simple façade d’immeuble s’écroulant dans un nuage de poussière sous le choc d’un véhicule percutant sa base. Des « moments Battlefield » certes dignes de la poésie et de la finesse d’un film de Michael Bay, mais qui font toujours leur effet. Et si vous vous posiez la question : oui, le mythique Rendezook (s’éjecter d’un avion en vol, tirer illico au bazooka sur un ennemi, retomber sur votre avion en vol et en reprendre les commandes dans la foulée) reste toujours possible !

Impossible d’aborder la mise en scène sans parler du mode solo. Après être apparue dans BF3, reconduite dans BF4, BFBC2 et Hardline, avant d’être transformée en brefs « récits de guerre » dans BF1 et BFV, puis de tirer sa révérence pour BF2042, Battlefield 6 marque le retour à une unique campagne solo à l’ancienne. Pour rappel, les modes solos uniques n’ont jamais été le fort de la licence, seul celui de BFBC2 étant restée dans les mémoires des fans, notamment grâce aux fortes personnalités de ses protagonistes (on garde également une pensée pour le solo de Hardline). Certes, les « récits de guerre » étaient très sympathiques, mais ils ne jouaient pas dans la même cour, vu que chaque récit était une courte histoire indépendante, loin de la durée d’une vraie intrigue solo. En revenant à une longue campagne (enfin, façon de parler, la durée totale ici n’excédant guère la demi-douzaine d’heures), BF6 semble moins essayer de revenir aux fondements de BF3/BF4 que de singer les bons vieux Call of Duty, ceux dont les campagnes solos sont encore dans les mémoires (les premiers Modern Warfare et Black Ops en tête). La mauvaise nouvelle, c’est que la campagne de BF6 devrait difficilement faire date tant elle peine à nous offrir une intrigue captivante ou même des personnages mémorables (on revient à la réussite de Bad Company 2). La bonne nouvelle, c’est qu’en termes de gameplay et de mise en scène, cette campagne solo se révèle vraiment surprenante, dans le bon sens du terme. Visuellement déjà, chaque niveau est un véritable festival pour les yeux et les oreilles, n’hésitant pas à nous montrer ce que le moteur Frosbite a dans le ventre, bien aidé par un sound design aux petits oignons. On sent d’ailleurs que l’un des mots d’ordre de cette campagne a moins été l’intrigue que les possibilités de grand spectacle offertes par chaque niveau, avec une mention pour ceux se déroulant à New York (ce niveau du train, vindiou !). En somme, si il ne gravera pas les mémoires, nul doute que le mode solo imprègnera durablement les rétines. Un autre aspect qui rendra cette campagne recommandable, c’est son gameplay. En effet, on sent que l’ensemble des niveaux ont été conçus afin de confronter le joueur à l’ensemble des mécaniques de gameplay qui l’attendent en multijoueurs, et sur ce point, le contrat est largement rempli. Déplacements, tir, conduite de véhicule terrestre, alternance entre les classes, réanimation, utilisation des tourelles ou armes spéciales (mention au mortier téléguidé en vue FPV)… A l’exception notamment du pilotage aérien, presque tout le gameplay de Battlefield 6 est présenté dans cette campagne, ce qui en fera un tutoriel idéal pour prendre ses marques tranquillement avant d’aller batailler avec le monde entier en multijoueurs.

Avant de conclure, abordons l’aspect technique. Graphiquement, comme déjà évoqué, Battlefield 6 fait honneur à la licence, autant par la modélisation que par les animations ou les possibilités de destruction. Personnages, armes, véhicules, décors urbains ou naturels… Rien n’est laissé au hasard et se voit secondé par des effets de lumière et de particules souvent bluffants de réalisme, contribuant à donner une atmosphère particulière aux différents champs de bataille – et aidant à compenser leur quantité par la qualité (BF6 ayant moins d’une dizaine d’environnements au lancement, en attendant les futures mises à jour). Bref, visuellement, Battlefield 6 est toujours un festival visuel, en solo comme en multi. Côté sonore, le constat est le même, le sound design étant proprement impressionnant. D’abord par la variété des éléments audibles – tirs, explosions, bruits de pas, bruitages d’ambiance et de destruction divers, rien n’est oublié. Mais également par la qualité du mixage sonore, rarement pris à défaut. Fin du fin, l’ambiance musicale emblématique des Battlefield est de retour, après s’être fait discrète dans BF2042. On émettra juste un bémol sur le doublage français du mode solo, assez moyen, mais aussi et surtout sur la difficulté pour le basculer en VO (lors de notre test sur PC, il a fallu basculer tout le jeu en anglais, interface comprise, pour obtenir une VO sous-titrée en anglais). Inutile de préciser que la VO sera vivement recommandée pour profiter du jeu des comédiens d’origine, parmi lesquels on retrouve notamment des « gueules » comme Benito Martinez (The Shield, Battlefield Hardline), Tony Curran (Blade 2, Defiance) ou encore Nikolai Nikolaeff (Daredevil version Netflix).

Vous l’aurez compris, Battlefield 6 devrait représenter une date pour la licence. Derrière le retour à la guerre moderne de BF3/4 (et un brin d’inspiration du côté des bons vieux Call of Duty) se cache en fait le retour aux véritables bases de la saga, avec notamment une expérience multijoueurs franchement réussie, à la fois tactique et dynamique, misant toujours autant sur la coopération, l’ensemble étant secondé une partie technique de très haute volée ainsi que par les touches hollywoodiennes dont la licence a le secret. Si l’intrigue et les personnages empêcheront le solo d’être vraiment mémorable, celui-ci représente néanmoins un tutoriel appréciable à BF6, en même temps qu’un spectacle visuellement impressionnant dont il serait dommage de se priver. Oui, Battlefield est bel et bien de retour !



