Le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul salue fraternellement le grand réalisateur iranien Jafar Panahi, dont le film « un simple accident » a remporté la prestigieuse Palme d’or du 78e Festival de Cannes. Ce prix amplement mérité couronne un thriller humaniste posant la grave question de la possibilité du pardon de l’opprimé vis à vis de son bourreau pour parvenir à la réconciliation nationale, à la condition de la repentance de ce dernier.
Jafar Panahi est un géant du cinéma mondial, auteur multi-primé de onze longs métrages et sept courts (Léopard d’or Locarno 1997, Lion d’or Venise 2000, Ours d’or Berlin 2015, Cyclo d’or d’honneur Vesoul 2010, …). Il fut président du Jury au 10e FICA Vesoul 2004.
« Un simple accident » remporte également le prix de la citoyenneté.
Le FICA Vesoul adresse également ses chaleureuses félicitations au réalisateur chinois Bi Gan pour le prix spécial du jury Cannes 2025, décerné à son film « Résurrection ». Après « Kaili Blues » et « Un grand voyage vers la nuit », « Résurrection » poursuit le travail novateur de Bi Gan, dans l’exploration de la forme du récit, de l’image et de la mise en scène. L’actrice principale, la sublime Shu Qi, de « Résurrection » est un atout non négligeable.
Les réalisateurs de l’Asie Proche-Orientale ont remporté plusieurs prix importants. La Caméra d’or pour un long métrage de fiction a été décernée au film « The President’s Cake » du cinéaste irakien Hasan Hadi, également lauréat du prix du public de la Quinzaine des cinéastes ; la Caméra d’or du court métrage a été remportée par le réalisateur palestinien de nationalité israélienne Tawfeek Barhom pour « I’m Glad You’re Dead Now ».
Les réalisateurs palestiniens Arab et Tarzan Nasser ont reçu le prix de la mise en scène Un Certain Regard pour leur troisième opus « Once Upon a Time in Gaza ».
D’autres réalisateurs venus soit du sous-continent indien, Adnan Al Rajeev (Bangladesh) remporte la mention spéciale de la Caméra d’or court métrage pour « Ali » ; soit du Caucase, Déni Oumar Pitsaev (Tchétchénie) est primé de l’Oeil d’or et du prix French Touch du jury pour son film documentaire « Imago » ; soit de l’Extrême-Orient, Heo Gayoung (Corée du Sud), reçoit le premier prix de la Cinef (ex-Cinéfondation), pour « First Summer », Qu Zhizheng (Chine), le second prix de la Cinef, pour « 12 moments before the Flag-raising Ceremony », et Mini Tanaka (Japon), le troisième prix de la Cinef pour « Ginger Boy ». Ces trois prix couronnent trois jeunes talents garant de l’avenir des Cinémas d’Asie.
Du Sud-Est asiatique un surprenant « Un fantôme utile » du Thaïlandais Ratchapoom Boonbunchachoke, a remporté le Grand Prix de la Semaine de la Critique. Ce film recycle les histoires de fantômes, chères au cinéma thaïlandais, en contant une fable écologique de lutte contre la pollution atmosphérique : décapant !
Le cinéma taïwanais avec « Left-Handed Girl » de la réalisatrice Shih-ching Tsou, remporte le prix de la Fondation Gan pour la diffusion. Le co-scénariste est l’américain Sean Baker, palme d’or Cannes 2024 pour « Anora ». Le film met en scène une mère célibataire et ses deux filles dont la très touchante Nina Ye, âgée de neuf ans.
Les autres films asiatiques non primés retiennent l’attention en raison de leur qualité. Être en sélection au Festival de Cannes est un prix en soi.
« Renoir » de la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa, dont le film précédent « Plan 75 » abordait de façon radicale le sujet préoccupant du vieillissement de la population mondiale en apportant une solution plus que dérangeante, brosse le portrait d’une fillette à la sensibilité hors du commun.
« Woman and Child » du réalisateur iranien Saeed Roustaee, aborde dans ce mélodrame bavard les préjugés sociaux à l’égard d’une femme divorcée élevant seule ses enfants.
« Exit 8 » de Genki Kawamura (Japon) conte les mésaventures kafkaïennes d’un homme piégé dans les méandres du couloir du métro. « Sons of The Neon Night » de Juno Mak (Hong Kong) plonge le spectateur dans le monde de l’ultra-violence des gangs pour le contrôle du trafic mondial de stupéfiants.
« Homebound » de Neeraj Ghaywan (Inde) dessine le portrait glaçant d’une Inde confrontée à ses préjugés de castes ou religieux, pendant l’épidémie de la Covid.
« Lumiere pâle sur les collines » de Kei Ishikawa (Japon) est un film à l’image léchée sur les difficultés de reconstituer avec exactitude le passé familial.
« Magellan » de Lav Diaz (Philippines) tente de reconstituer, par bribes, l’aventure marine et coloniale du célèbre navigateur.
« Love on Trial » de Koji Fukada (Japon) plonge le spectateur dans l’univers impitoyable du show-business où une chanteuse d’un Girls-Band, se voit interdit du droit à l’amour par ses imprésarios.
« Brend New Landscape » de Yuiga Danzuka (Japon) analyse les rapports entre un père architecte, ses enfants et son épouse.
« Lucky Lu » de Lloyd Lee Choi, réalisateur asio-américain invite à une plongée cruelle dans la communauté asiatique new-yorkaise. Les références au « voleur de bicyclette » de Vittorio de Sica, sont implicites. Le film est tenu à bout de bras par la remarquable interprétation du premier rôle masculin Chang Chen, acteur taiwanais de premier ordre.
« Kokuho – Le Maître du kabuki » de Lee Sang-il (Japon) est une geste retraçant cinquante années de la vie de deux acteurs de kabuki. Ce film est le plus beau film vu au 78e Festival de Cannes. Il est dans la lignée « d’Adieu, ma concubine » de Chen Kaige.
« Girl on Edge » de Jinghao Zhou (Chine), thriller psychologique se déroule dans le milieu du patinage artistique. Il est un exemple de cette tendance dans le cinéma à mixer les genres entre comédie dramatique, fantastique, analyse psychologique, …
« Put Your Soul on Your Hand and Walk » de Sepideh Farsi est un documentaire poignant consacré à la photo-journaliste Fatima Hassouna, tuée le 16 avril 2025 dans un bombardement de l’armée israélienne sur sa maison.
Le panorama des films venus de toute l’Asie, du Proche à l’Extrême-Orient, présentés lors du 78e Festival de Cannes, ne serait pas complet sans mentionner les grands classiques des cinémas d’Asie présentés dans la section « Cannes Classics ».
Parmi les films les plus marquants vus à Cannes cette année, le film israélien « Yes » de Nadav Lapid, est un film étonnant sur le drame des massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023, et de ses conséquences terribles tant du côté israélien que palestinien. Ce film s’interroge sur le désir de vengeance qui conduit à une impasse. La forme stylistique du film et le jeu des acteurs relèvent de la prouesse. Ce n’est pas un film ordinaire, il vous interpelle au plus profond de l’être
« Des jours et des nuits dans la forêt » de Satyajit Ray (Inde), comédie douce-amère, analyse la distanciation sociale existant entre des jeunes gens de la bourgeoisie indienne lors de leur rencontre avec des jeunes filles de l’Inde profonde, « The Girls » de Sumitra Peries (Sri Lanka), comédie dramatique s’attache à décrire l’effet destructeur des préjugés de classes et de castes, « Hard Boiled – À toute épreuve » de John Woo (Hong Kong), est un grand classique des films policiers et d’action avec l’acteur charismatique Chow Yun-fat, « Saïd Effendi de Kameran Hosni (Irak), est une curiosité néoréaliste venue d’Irak, « The Arch » de T’Ang Shushuen (Hong Kong), est un petit bijou du point de vue de la grande beauté de la photographie en noir et blanc, de la subtilité du jeu des acteurs, de l’analyse psychologique des personnages, de la reconstitution historique de la Chine provinciale du XVIIe siècle, en un mot il s’agit d’un chef d’œuvre, « Floating Clouds – Nuages Flottants » de Naruse Mikio, mélodrame culte avec l’immense actrice japonaise Mariko Okada, se déroulant dans un Japon d’après-guerre, ébranlé par sa défaite, « Yiyi – A One and Two » d’Edward Yang (Taïwan), met en scène la vie de famille d’un homme d’affaires de 40 ans ayant deux enfants dont son fils de 8 ans. Ce dernier a fait fondre les millions de spectateurs de ce film subtile consacré aux conflits émotionnels, à la découverte du monde et de l’amour. Ce chef d’œuvre a obtenu le prix de la mise en scène Cannes 2000.
Le 78e Festival de Cannes a permis de découvrir ou revoir 32 films asiatiques pour le plus grand bonheur des professionnels du cinéma. Ceux-ci auront à cœur de les faire partager aux cinéphiles du monde entier lors de leur sortie en salles ou lors de la programmation de festivals à venir. À suivre …
La galerie de photos de Jean-Marc Thérouanne
Écrit le 28 mai 2025 par Jean-Marc Thérouanne, au retour de Cannes.