La saga Mafia est de retour ! Exit les gangsters américains, c’est désormais en Sicile au début du 20e siècle que nous emmène Mafia The Old Country. Un changement de décor, d’époque et d’ambiance pour mieux emmener la saga vers de nouveaux horizons ? Verdict dans la suite.
Si la sortie de GTA III en 2001 a inspiré dans la foulée le développement de concurrents fortement inspiré du bébé de Rockstar, peu ont réussi à l’époque à s’illustrer dans le coeur des joueurs, et encore moins à perdurer sur la durée jusqu’à aujourd’hui. Mafia est pourtant des rares élus. Dès son premier volet en 2002, la licence s’illustre à rebours de la plupart des GTA-like concurrents. Point d’open-world riche en activités annexes, ni de possibilités de gameplay tordant la réalité au profit d’un fun immédiat, lorgnant parfois même sur le cartoon (coucou Saints Row et Just Cause). Si l’open-world répond bien présent dans Mafia, ce n’est que pour se mettre au service du scénario du jeu, véritable force de la licence depuis ses débuts, et traité continuellement avec un sérieux et un respect qui n’auraient rien à envier aux meilleurs films de gangsters. Ce sérieux se retrouve non seulement dans le scénario, mais également dans la mise en scène et le jeu des comédiens, si bien que dès son premier volet, Mafia donne régulièrement le sentiment de nous mettre aux commandes d’un film de Coppola, Scorsese ou encore De Palma. Une réussite remarquable, et une approche au premier degré que l’on retrouve également dans son gameplay un brin rigide, loin de la liberté des GTA et consorts, mais finalement totalement logique si l’on tient compte de l’approche « réaliste » voulue depuis l’origine par les développeurs. Ironiquement, c’est le volet ayant le plus cherché à tordre ce gameplay et cette approche de l’open world, à savoir Mafia 3, qui est encore aujourd’hui, et malgré ses qualités, considéré comme le plus faible de la série. Que les fans se rassurent de suite : Mafia The Old Country est dans la droite lignée des deux premiers volets, pour notre plus grand bonheur.

Bien évidemment, c’est avant tout pour son scénario, sa mise en scène et son ambiance que l’on joue à un Mafia. Sur ce plan, The Old Country ne déçoit pas tout en jouant en prime la carte du renouvellement. Exit la mafia installée en Amérique, c’est désormais en Sicile à partir de 1904 que se déroule notre aventure, dans la province fictive de Valle Dorata où l’on trouve notamment la ville de San Celeste (bien connue des fans de Mafia). Comme à l’accoutumée, c’est aux commandes d’un petit nouveau qui sera amené à gravir les échelons, que nous met le jeu. Ici, c’est donc le parcours du jeune Enzo que vous suivrez. Ancien mineur ayant fui sa condition, il est recueilli par la famille de Don Torrisi, auprès de qui il va découvrir les rouages de l’univers mafieux tout en nouant des relations – professionnelles, personnelles et sentimentales – décisives pour la suite de son parcours. Le scénario et le développement des personnages de Mafia The Old Country étant parmi ses plus grandes forces, nous n’en dirons pas plus ici pour éviter les spoilers. Mais pour résumer : non content d’être dans la droite lignée qualitative des Mafia, le scénario et l’ambiance de The Old Country sont de dignes prétendants à la premier place du podium de la saga.

A bien des égards, l’ambiance de The Old Country nous a semblé marquer un cap dans la saga. La saga a toujours été soignée sur ce point, mais on sent que ce nouvel opus a lâché la bride. Possiblement galvanisées par le changement de décor de l’intrigue, beaucoup plus rural, sauvage et ensoleillé qu’à l’accoutumée dans les Mafia, les équipes du studio Hangar 13 ont mis les petits plats dans les grands pour nous offrir une Sicile du début 20e vraiment soignée. Visuellement d’abord, Valle Dorata est un pur décor de carte postale, où l’immensité de sa nature sauvage et aride s’entremêle avec les quelques villages, les champs et surtout les grandes maisons peuplant la campagne. L’ensemble a d’ailleurs bénéficié d’un soin impressionnant dans la modélisation et les textures, à tel point qu’on regrettera régulièrement l’absence d’un mode photo. De même, le design des personnages est très réussi et favorisera l’attachement aux protagonistes, malgré des textures et animations un brin datées, bien que dans la lignée de la saga Mafia. On accordera toutefois une mention aux animations des nombreux PNJ peuplant cette Sicile virtuelle, tant le simple fait de les observer vaquer à leurs occupations témoignera souvent d’un soin quasi-documentaire (une pensée pour l’écrasage du raisin à pieds nus).

Vous l’aurez compris, côté scénario et ambiance, Mafia The Old Country place la barre très haut. De quoi largement compenser son gameplay qui conserve la rigidité légendaire de la saga. Que ce soit les animations de déplacements ou les combats (à distance ou au corps-à-corps), The Old Country reste un Mafia, même si l’on note un progrès indéniable par rapport aux précédents volets. Contexte historique oblige, les armes automatiques répondent absent, il faudra donc composer au coup par coup, et ne pas oublier de tenir compte du délai de rechargement entre deux tirs (Enzo n’étant pas John Marston ou Arthur Morgan). De même, si un système de couverture répond présent, il faudra faire attention aux tirs adverses quand vous êtes à découvert, les ennemis ayant tendance à compenser leur IA discutable en tirant vite et droit, même en mode normal (on ne s’en plaindra pas). Précision utile, les munitions sont assez rares dans ce Mafia, il faudra donc veiller à ce que chaque tir compte, tout en prenant le temps de fouiller chaque ennemi abattu. Si vous êtes à court de munitions, pas de panique, il restera la possibilité de lancer des armes de jet (les bouteilles vides pouvant autant distraire qu’assommer un instant un ennemi) ou encore de dégainer votre couteau. Largement mis à profit dans le gameplay et intégrant un système d’usure à ne pas négliger, le couteau aura de multiples utilités. Outre la possibilité de le lancer sur un ennemi selon les modèles, il pourra ainsi vous servir à briser des serrures ou à poignarder un ennemi pendant une attaque dans le dos (plus rapide que de l’étrangler), mais il sera surtout mis à contribution dans les duels. En effet, ces phases de jeux, qui évoqueront les duels de The Order 1886, vous mettront face à un ennemi également armé d’un couteau, et vous demanderont de jongler entre cinq touches d’attaque/défense tout en veillant au timing des attaques de votre adversaire. Sympathique sur le papier, l’exécution est malheureusement un peu maladroite, entrainant un sentiment de répétitivité au fil de ces différentes rencontres. La répétitivité sera d’ailleurs une sensation récurrente dans Mafia The Old Country, mais heureusement contrebalancée par, on l’a dit, l’ambiance et le scénario de haute volée, mais également par la mise en scène.

En effet, si la mise en scène a toujours été une autre force des Mafia, The Old Country lâche la bride en nous offrant non seulement des cinématiques toujours aussi classieuses, mais également des niveaux au level design bien plus inspiré qu’à l’accoutumée, tirant largement profit de la durée resserrée du jeu (entre dix et quinze heures selon votre façon de jouer) pour mieux rythmer et varier l’expérience. Par exemple, si les affrontements directs répondent autant présents que les possibilités d’infiltration, les niveaux tiennent davantage compte de cette dualité en nous offrant régulièrement plusieurs chemins différents, pour autant de possibilités d’approche. Et peu importe le gameplay rigide : le plaisir est bien là. De même, Hangar 13 réussit à contrebalancer la linéarité de son expérience par des missions régulièrement inspirées, à l’image d’une sympathique course de chevaux, ou encore du niveau de l’enlèvement dont le level design et la mise en scène ne seront pas sans rappeler Uncharted. On a connu pire référence.

Ce tableau se voit parachevé par une partie sonore de haute volée, à commencer par une partition musicale inspirée. Non contente de troquer les sempiternelles radios et leurs vieux standards (quasi-inexistants à l’époque du jeu) pour des compositions orchestrales et des chants folkloriques du plus bel effet, la partie audio bénéficie de bruitages bluffants de réalisme. Un soin venant sublimer le soin apporté à certains détails visuels, notamment dans l’usage des armes ou l’exploration des décors. Enfin, impossible de ne pas aborder le doublage. Si le doublage français répond bien présent, on ne saura vous conseiller de l’écarter au profit, soit de l’anglais, soit du sicilien. Le premier vous permettra de profiter d’une meilleure synchro labiale et du sympathique accent des protagonistes ainsi que d’un juste milieu entre compréhension et immersion. Mais si vous voulez jouer à fond la carte de l’immersion, inutile de dire que le doublage sicilien remporte la mise et justifierait presque à lui seul de lancer le jeu tant il parachève avec brio le travail de reconstitution orchestré par les développeurs.

Oui, Mafia The Old Country n’est pas exempt de défauts, notamment dans son gameplay souvent répétitif et daté. Mais cela ne l’empêche pas d’être plaisant à jouer, bien aidé par le soin apporté à son univers narratif, à sa mise en scène (autant les niveaux que les cinématiques) et à la reconstitution visuelle et sonore de la Sicile d’antan, l’ensemble réussissant autant à titiller notre cinéphilie qu’à nous donner des envies de voyage. Si il est trop tôt pour dire si l’on tient là le meilleur Mafia, The Old Country est assurément l’un des plus marquants. Et ça, c’est déjà une belle réussite.

