Jean-Marc Therouanne nous parle du 28e Busan International Film Festival et du 30e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul
Jean-Marc Therouanne nous parle du 28e Busan International Film Festival et du 30e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul

Jean-Marc Therouanne nous parle du 28e Busan International Film Festival et du 30e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul

1- Le Festival International du film de Busan (Corée du Sud) est-il un rendez-vous incontournable dans votre agenda ? Depuis quelle année ? 

Jean-Marc Thérouanne, Délégué Général, Directeur Artistique et cofondateur du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul : cela est une évidence, Martine Thérouanne, Directrice du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, y vient depuis 2010, et moi depuis 2011, c’est à dire depuis 13 ans.

Martine Thérouanne, en 2010, était membre du jury NETPAC du 15e BIFF, et cette année, pour le 28e BIFF elle est la présidente du jury Jiseok. 

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Martine Thérouanne, présidente du Jury Jiseok accueillie par l’acteur Song Kang-ho (Parasite, les Bonnes étoiles, prix d’interprétation masculine Cannes 2022).

2- En quoi consiste votre présence là-bas ? Avez-vous des attentes ou un but particulier ?

JMT : parce que cela est indispensable d’y être quand on est dirigeant d’un festival comme le nôtre. Le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul est considéré comme l’un des quatre festivals socles par le CNC, en raison de sa spécificité. Il fait partie, en France, de la vingtaine de festivals de cinéma soutenus, en national, par le CNC.

Nous allons à Busan pour peaufiner notre toile relationnelle avec les producteurs de films des cinémas de toute l’Asie géographique, de l’Oural à l’océan pacifique et du canal de Suez à l’océan indien. Nous nous intéressons à l’intégralité des cinématographies du continent Asie. L’Asie ce n’est pas que l’Extrême-Orient, c’est aussi le Proche-Orient.

Busan, c’est le Cannes de l’Asie, avec un intéressant marché du film permettant d’entretenir les contacts avec les producteurs asiatiques (Showbox, Fine Cut, M-Line, Lotte, iQIYI, Mandarin Vision, Nikkatsu, …) avec les institutionnels des pays asiatiques (Film Development Council of the Philippines, Taipei Film Commission, Mongolian National Film Council, Vietnam Media Corp., KOFIC, Unijapan , HKTDC, …), avec les représentants des festivals d’Asie (International Film Festival of Jakarta, Ho Chi Minh City International Film Festival, Eurasia, TIFF, QCinema,  … ).

Le Festival International du Film de Busan permet également de rencontrer les institutionnels français (CNC, Institut Français, UniFrance, Alliance Française, …) ou les producteurs européens développant les coproductions Europe – Asie comme l’European Film Promotion par exemple. 

Quand on s’est vu et parlé, même brièvement, après, quand on se recontacte pour finaliser des projets, les rapports humains sont … plus humains.

Nous allons aussi à Busan pour rencontrer des critiques, des acteurs, des réalisateurs. Les soirées dédiées au cinéma de tel ou tel pays favorisent les prises de contact qualifiées en terme de métier de « networking ». Cela permets d’établir des liens, des réseaux, pour bâtir les différents jurys des futures éditions du FICA Vesoul (International, critique, Netpac, Marc Haaz, …).

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Lee Chang-dong (Poetry prix du scénario Cannes 2010 – ancien ministre de la Culture)


Nous y allons aussi, bien évidemment, pour voir les films des pays d’Asie répartis dans les différentes sections : 

* Gala Presentation, Icons, Wide Angle Documentary Showcase, Open Cinéma, Midnight Passion, dans ces cinq sections les films asiatiques sont mélangés avec les non asiatiques ; 

* World Cinema et Flash Forward, dans ces deux sections se trouvent les films israéliens et turcs avec tous les autres films non asiatiques ; 

* et surtout pour les sections consacrés uniquement aux cinémas d’Asie : Jiseok ; A Window on Asian Cinema ; New Currents ; Korean Cinema Today : Special Premiere, Panorama, Vision ; Wide Angle : Korean Short Film Competition, Asian Short Film Competition, Documentary Competition ; On Screen ; Spécial Program in Focus 1 : Tribute at Chow Yun Fat – Focus 2 : Tribute at Korean Diasporic Cinema – Focus 3 : Renaissance of Indonesian Cinema ; Special Screening : Tribute at Yun Jung-hee, actress, and Ryuichi Sakamoto, composer. 

Dans la section compétitive Jiseok se trouvent les films présentés en première mondiale ou internationale des réalisateurs asiatiques confirmés. 

Dans la section compétitive New Currents sont sélectionnés les premiers films projetés en première mondiale ou internationale des jeunes talents asiatiques. 

Ces deux sections compétitives sont les plus prestigieuses de la sélection de chaque édition du BIFF. 

A Window on Asian Cinema propose une sélection des films d’Asie les plus remarquables produits dans l’année écoulée. 

Korean Cinema Today : Special Premiere, Panorama, Vision regroupent les films coréens récents commerciaux, grand public et indépendants. 

Wide Angle : Korean Short Film Competition, Asian Short Film Competition, Documentary Competition sont des sections présentant des courts-métrages et documentaires en compétition. 

On Screen ; Spécial Program : in Focus 1 : Tribute at Chow Yun Fat – Focus 2 : Tribute at Korean Diasporic Cinema – Focus 3 : Renaissance of Indonesian Cinema ; Special Screening : Tribute at Yun Jung-hee, actress, and Ryuichi Sakamoto, composer, sont des sections rendant des hommages à… proposant un regard sur une cinématographie nationale, ou sur une thématique. 

Cette année il fut rendu hommage, en sa présence, au réalisateur et acteur Hong Kongais Chow Yun Fat, hommage à la grande actrice coréenne francophone et francophile Yun Jung-hee (Poetry de Lee Chang-dong) décédée récemment et hommage postmortem également à l’immense compositeur japonais de musique de film Ryuichi Sakamoto. 

Une rétrospective sur le cinéma indonésien et une thématique sur les cinéastes coréens de la Diaspora ont été mises en place lors de ce 28e BIFF. 

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L’équipe du film Cigarette girl de Kamila Andini (Indonésie)

La 28e édition du BIFF était composée de 204 films : 

* 134 films asiatiques se répartissant de la façon suivante 51 films coréens, 16 films japonais, 14 films indonésiens, 12 films chinois et de Hong-Kong, 9 films indiens, 3 films taiwanais, 3 films bangladais, 3 films thaïlandais, 2 films philippins, 2 films sri lankais, 2 films mongols, 2 films iraniens,1 film kirghize,  1 kazakh, 1 turc, 1 israélien, 1 malais, 1 birman, 1 népalais, 1 bhoutanais, 1 vietnamien, 1 jordanien, 1 pakistanais, 1 géorgien, 1 singapourien.

* 70 films venus des quatre autres continents se répartissant ainsi : 16 films français, 12 films états-uniens, 7 films italiens, 6 films anglais, 4 films argentins, 3 films polonais, 3 films allemands, 3 films canadiens, 2 films belges, 2 films espagnols, 1 film suédois, 1 roumain, 1 finlandais, 1 bulgare, 1 autrichien, 1 hongrois, 1 macédonien, 1 danois, 1 mexicain, 1 brésilien, 1 australien, 1 tunisien, 1 marocain. 

En observant l’évolution du monde du cinéma les coproductions sont de plus en plus nombreuses. Jérémie Kessler, Directeur des Affaires Européennes et Internationales du Centre National du Cinéma et de l’image animée, soulignait ce phénomène dans son discours introductif lors de la Soirée française organisée par l’Ambassade de France en Corée et UniFrance. Par le biais des coproductions la France était présente dans 38 films soit 17% des films en sélection à Busan cette année. C’est à cette aune que l’on mesure le rayonnement de la France par le biais du cinéma. La France est très attachée à la pluralité du cinéma par conséquent elle aide beaucoup les cinéastes du monde à produire leurs films. 

Pour pouvoir voir le maximum de films importants de connaître et de rencontrer le maximum de personnes dans le temps incompressible des dix jours du Festival de Busan, il est indispensable de bâtir un emploi du temps grand format permettant d’avoir une vision globale des projections des films indispensables à voir et des rencontres professionnelles incontournables à ne pas manquer.

La maîtrise de la gestion du temps est un élément essentiel dans la stratégie à mettre en place pour réussir chaque édition du BIFF.
Busan c’est un peu « Marathon Man » !

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Un agenda minutieusement préparé

Il est impératif aussi de gérer l’espace de ses déplacements entre la BIFF Mountain et le Double cône, où se trouvent les bureaux et lieux de rencontre du BIFF, les salles de cinema du BIFF Cinema center, des multiplexes CGV et Lotte, où ont lieu les projections, du BEXCO, où se trouve le marché du film, les salons des hôtels (Paradise, Sea Cloud, Westin Chosun, Park Hyatt, Signiel, …) ou des bars restaurants (Peter’s Pub, Gatsby Roof Top Bar, …) où ont lieux les soirées dédiées au cinéma. 

La résistance physique est mise à rude épreuve à Busan.

3- En quoi le festival et son marché se distinguent-ils selon vous des autres festivals internationaux que vous avez l’habitude de fréquenter ?

JMT : Le Festival de Busan se distingue par la qualité de sa profusion. C’est le plus grand festival d’Asie du monde. 
En ce qui concerne le Marché du film c’est vraiment un concentré de l’Asie. Il permet de faire le tour de l’Asie de la profession dans un espace resserré. Tous ceux qu’il faut contacter sont là. Cela permet de diffuser notre matériel de communication pour nous faire connaître et reconnaître, et de récupérer le maximum de documents cinématographiques dont nous avons besoin pour préparer les prochaines éditions du FICA Vesoul.

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Les hôtesses d’accueil du BIFF avec la carte postale du 30e FICA 

4- Avez-vous le souvenir d’une rencontre ou d’un événement décisif durant le festival par le passé ?  

JMT : lors du 16e BIFF en 2011, nous avons appris que Kore-eda Hirokazu serait présent à Busan. Nous étions dans la préparation de notre 18e FICA et mettions en place l’intégrale Kore-eda Hirokazu, future palme d’or à Cannes. Pour que cet hommage ait un sens, nous voulions l’inviter à Vesoul et lui remettre un Cyclo d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture. Nous avons écrit à son assistante pour solliciter un bref entretien à Busan, celui-ci nous a été accordé au cours d’une soirée dans le carré VIP. Nous avons présenté notre projet à Kore-eda Hirokazu, celui-ci a été touché par notre démarche. Il n’y avait jamais eu de rétrospective de l’intégrale de son œuvre nous a-t-il dit. Et c’est ainsi que Kore-eda Hirokazu a accepté notre invitation à venir à Vesoul. 
C’est un souvenir inoubliable.
Une fois que l’on a rencontré les personnes en vrai, cela change complètement les rapports humains. 

Parmi les souvenirs les plus forts vécus à Busan, la remise du prestigieux Korean Cinema Award qui nous fut décerné le 4 octobre 2018, lors de l’ouverture du 23e BIFF devant 4400 festivaliers et les médias internationaux, pour notre engagement à faire connaître et reconnaître le cinéma coréen. 

L’invitation reçue par mon épouse Martine Thérouanne, directrice et cofondatrice du FICA, la nommant présidente du prestigieux Jury Kim Jiseok du 28e BIFF 2023. 

Cette reconnaissance de votre travail par Busan et la Corée est quelque chose qui s’inscrit au plus profond de votre âme. 

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Martine Thérouanne interviewée par Arirang TV

En 13 ans de Busan nous avons une foultitude de souvenirs marquants. En dix jours de Busan on vit une multitude de rencontres, naturellement très brèves mais très intenses : Bong Jong-ho, Kore-eda Hirokazu, Wang Bing, Prasanna Vithanage, Mostafa Sarwar Farooki, Moshen Makhmalbaf, Tsai Ming-liang, Naomi Kawaze, Hou Hsiao-hsien, Brillante Mendoza, Im Sang-soo, Hong Sang-soo, Lee Chang-dong, Im Kwon-taek, … mais aussi Claude Lelouch, Juliette Binoche, Bertrand Bonello, Luc Besson, Isabelle Huppert, Ariane Ascaride, … La France est très présente à Busan. Les Coréens aiment le cinéma français.

On vit la dilatation et l’intensité du temps dans sa brièveté.

5- Qu’attendez-vous le plus de cette 28e édition du BIFF ? 

JMT : Comme je vous l’ai dit plus haut, étoffer encore un peu plus la toile relationnelle du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, dont la 30e édition aura lieu du 6 au 13 février 2024.

Interview réalisée le 14 octobre 2023 au retour du 28e BIFF. 

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