Critique de Big Hit
Synopsis
Une affaire d’enlèvement qui semblait facile et rapide va se retourner contre Mel, un tueur à gages, et ses associés, Cisco, Crunch, Vince et Gump. La victime, la fille d’un riche industriel, est en fait la filleule de leur patron Paris. Lorsque Cisco, le cerveau de ce plan, trahit Paris, Mel devient l’homme à abattre.
Avis de Yanick RUF
The Big Hit est typique de la fin des années 90, mais il dépasse le simple « film d’action pop-corn » par la manière dont il hybridise codes hongkongais et satire de la middle class américaine.
Sur le papier, tout est très série B : quatre tueurs à gages ultra efficaces, un kidnapping qui déraille, un patron menaçant et une victime un peu trop liée au milieu qu’il ne faudrait pas fâcher. Le film prend ce canevas archi-connu de l’“opération facile” qui part en vrille, pour le pousser vers la comédie de crise personnelle : Melvin Smiley, joué par Mark Wahlberg, se débat autant avec les balles qu’avec une fiancée hystérique et une maîtresse uniquement intéressée par son argent.

Réalisé par Kirk Wong, vétéran du polar hongkongais, et produit par John Woo, le film transpose dans un décor de lotissement américain des codes visuels hérités du cinéma d’action de Hong Kong : gunfights chorégraphiés, ralentis, poses héroïques et surenchère dans les cascades. Ce contraste entre violence stylisée et esthétique proprette de la banlieue pavillonnaire devient un moteur comique : fusillades au milieu des pelouses impeccables, voisins outrés, hypocrisie sociale permanente. Le film joue clairement avec les clichés de la suburbia, pour mieux dynamiter cette façade de respectabilité.
L’un des aspects les plus intéressants du film est la manière dont il traite Melvin comme un antihéros en burn-out : tueur d’élite, mais incapable de dire non, obsédé par le fait que tout le monde l’aime, et pris entre deux relations qui l’exploitent. Autour de lui, les autres tueurs incarnent des variations caricaturales : le collègue mégalo, l’obsédé des armes, le chef glaçant, mais ce choix assumé permet au film de rester sur le registre de la farce violente plutôt que du réalisme.

L’humour passe autant par les dialogues que par des motifs récurrents, comme le running gag de la VHS de King Kong Lives que Melvin tente désespérément de rendre au vidéoclub pour éviter des frais de retard.
Ce gag, apparemment anodin, dit beaucoup de la logique du film : un homme qui gère les fusillades avec sang-froid, mais qui panique pour une cassette en retard, symbole dérisoire de sa culpabilité et de sa peur d’être mal vu. Le ton constant oscille entre cartoon live et comédie de mœurs dégénérée.
Visuellement, The Big Hit porte tous les marqueurs de son époque : couleurs saturées, montage clippé, BO très 90’s,… mais cette patine, plutôt que d’affaiblir le film, le fixe comme témoin d’une transition : celle où Hollywood s’approprie frontalement la grammaire de l’action hongkongaise.

S’il ne révolutionne ni l’action ni la comédie, le film reste aujourd’hui étonnamment plaisant : rythme tenu, scènes d’action lisibles et inventives, humour parfois gras mais assumé, et un sous-texte caustique sur l’obsession de l’apparence et du « bon rôle » dans la société de consommation.
En somme, The Big Hit fonctionne à la fois comme divertissement explosif et comme petit objet cinéphile : un croisement entre polar hongkongais, sitcom de banlieue et cartoon live, qui n’a pas vraiment pris de ride si l’on accepte pleinement son identité très 90’s.
Bande annonce du film Big Hit


