Critique de Golem, le tueur de Londres
Synopsis
Londres, 1880. Une série de meurtres secoue le quartier malfamé de Limehouse. Selon la rumeur, ces crimes ne peuvent avoir été perpétrés que par le Golem, une créature des légendes hébraïques d’Europe centrale. Scotland Yard envoie Kildare, l’un de ses meilleurs détectives, pour tenter de résoudre l’affaire.
Avis de Yanick RUF
Golem, le tueur de Londres s’inscrit clairement dans la lignée des récits victoriens à la Jack l’Éventreur, mais déjoue rapidement l’attente d’un simple Jeckyll & Hyde bis où un bourgeois se transformerait en monstre sanguinaire. Le film choisit de mettre l’horreur graphique au second plan pour se concentrer sur une véritable enquête policière, structurée, rigoureuse et étonnamment lisible. Ce changement de focale fait toute sa singularité : plus que la peur, c’est le doute qui devient le moteur du récit.

La grande réussite du film tient dans sa mécanique de suspicion. Chaque suspect est tour à tour mis en scène comme l’auteur des crimes, montré en train de commettre un des meurtres du Golem. Ces reconstitutions successives ne sont pas de simples variations visuelles : elles invitent le spectateur à mener sa propre enquête, à confronter les versions, à observer les détails. Là où, après le premier meurtre, on pourrait croire que tout suspense est déjà éventé, le scénario s’amuse au contraire à resserrer l’étau, à faire apparaître peu à peu les liens, jusqu’à relier toutes les pièces du puzzle.

Cette progression maîtrisée conduit à un final véritablement renversant. La révélation n’est pas qu’un simple twist de dernière minute, mais l’aboutissement logique de tout ce qui a été semé auparavant. L’intrigue ne se dénoue que dans les toutes dernières minutes, ce qui maintient la tension jusqu’au bout et donne envie de revoir le film à l’aune de ce que l’on sait finalement des personnages. Le spectateur se rend compte qu’il a été guidé, mais jamais pris de haut.

Autre atout majeur : la reconstitution du monde du spectacle à l’époque victorienne. L’univers des music-halls, des coulisses enfumées, des numéros de scène et des premiers transformistes est superbement mis en valeur. Ce cadre scénique n’est pas qu’un décor : il nourrit le thème du masque, du rôle, de l’identité multiple, au cœur même de l’enquête. Les crimes sanglants, très graphiques, s’inscrivent dans un environnement théâtral où tout est affaire de représentation, de mise en scène et de faux-semblants.

Techniquement, le film impressionne par la qualité de sa mise en scène. Le jeu des acteurs est excellent : chaque interprète parvient à rendre son personnage suffisamment ambigu pour rester crédible comme suspect, tout en conservant une profondeur humaine. La photographie, les cadrages et les mouvements de caméra servent l’atmosphère gothique sans tomber dans le clip esthétisant. Quant au scénario, il se révèle « en béton » : solide, cohérent, sans temps mort inutile, capable de concilier enquête policière, chronique victorienne et frissons horrifiques. Au final, Golem offre un moment de cinéma dense et captivant, où l’on reste accroché autant par l’ambiance que par l’envie de connaître la vérité.

