Critique de Dracula
Synopsis
Au XVe siècle, le Prince Vladimir renie Dieu après la perte brutale et cruelle de son épouse. Il hérite alors d’une malédiction : la vie éternelle. Il devient Dracula. Condamné à errer à travers les siècles, il n’aura plus qu’un seul espoir : celui de retrouver son amour perdu.
Avis de Yanick RUF
Dracula, le retour envoûtant de Luc Besson
Luc Besson signe ici une œuvre étonnamment intime et flamboyante à la fois. Dracula s’impose comme une revisite sensuelle et dramatique du mythe, où la naissance du comte se nourrit de ses combats passés, guidés par la foi et la violence. Le film retrace la lente métamorphose d’un guerrier de Dieu en créature damnée, victime de sa propre humanité et de la perte tragique de celle qu’il aimait plus que tout. Besson y capte parfaitement le basculement de la ferveur religieuse vers la malédiction éternelle, le moment où l’amour devient à la fois prière et blasphème.
Le château de Dracula, sculpté dans la montagne comme une gigantesque cathédrale de pierre, symbolise à lui seul la tension entre foi et damnation. La direction artistique impressionne : l’architecture verticale, presque minérale, évoque une tombe monumentale, un lieu de culte pour un dieu déchu. Dracula, vieillissant, rappelle celui de Coppola, jusque dans les détails du costume et la gestuelle, mais Luc Besson lui insuffle une vulnérabilité plus mélancolique, presque romantique.

Le casting se distingue notamment par Christoph Waltz, éblouissant dans le rôle d’un prêtre-éxorciste et érudit des vampires. Installé à Paris, son personnage sert de lien entre la légende orientale et une modernité urbaine ténébreuse. C’est dans cette capitale fantasmée, baignée de brumes et de vitraux éclatants, que le film trouve son originalité. Besson transpose l’histoire tout en conservant sa dimension universelle : l’éternel conflit entre amour et damnation.

L’une des scènes les plus marquantes reste le dialogue suspendu entre Dracula et Harper, littéralement mis en scène tête en bas, dans une composition visuelle vertigineuse. Ce choix de mise en scène, presque baroque, illustre la manière dont Besson filme le déséquilibre moral et émotionnel du monstre, prisonnier de son passé et de ses désirs. L’esthétique globale, entre gothisme et romantisme noir, participe à faire du film un spectacle visuel d’une grande beauté.

Si la trame reprend beaucoup de codes des dernières adaptations de Dracula, cette version parisienne, légèrement décalée, se distingue par son souffle poétique et sa sensualité visuelle. L’ajout d’un parfum envoûtant, concocté par le comte au fil des siècles pour hypnotiser les femmes, offre une idée originale, métaphore d’un amour qui s’évapore mais continue de hanter l’air.
En somme, Dracula marque un retour aussi audacieux que maîtrisé pour Luc Besson. Derrière les excès visuels et la dimension tragique de son héros, transparaît une déclaration d’amour au cinéma gothique et à la passion dévastatrice. Un film imparfait, mais profondément enivrant, comme le parfum du comte lui-même. Un sublime hommage au mythe et autres réussite sur le thème!

