Critique de Une bataille après l’autre
Synopsis
Bob Ferguson est un ancien révolutionnaire paranoïaque et désabusé, qui a jadis œuvré avec son ex, Perfidia, au sein du French 75, un groupe militant voué au renversement du gouvernement américain. Seize ans plus tard, Bob vit seul avec sa fille, Willa, quand celle-ci disparaît soudainement. Bob soupçonne son vieil ennemi d’antan, le Colonel Steven J. Lockjaw, d’être responsable de sa disparition. Il décide alors de renouer avec ses anciens frères d’armes pour retrouver sa fille, quitte à confronter les fantômes de son passé.
Avis de Yanick RUF
Une bataille après l’autre : un western contemporain au cœur de l’Amérique raciste
Il faut du cran pour s’attaquer frontalement à la question de l’immigration mexicaine aux États-Unis, entre militants révolutionnaires et militaires fanatisés. « Une bataille après l’autre » ne recule jamais devant la complexité ni la laideur de cette réalité. Dès la première partie, dense et bavarde, le film pose ses pions. Pas de course effrénée ici, mais une plongée longue, parfois étouffante, dans les fractures humaines de ses protagonistes. On devine que derrière chaque regard se cache un passé lourd, une peur viscérale, une rage sourde.

Leonardo DiCaprio est éblouissant en junkie cassé, un être à bout de souffle qui traîne ses démons comme une blessure ouverte. Sa rencontre avec le personnage puissant et torturé de Benicio Del Toro, militant inflexible, donne au film un duo explosif et réaliste. Ces deux-là incarnent à eux seuls les contradictions d’une Amérique en guerre contre elle-même.
Le film ne se contente pas de dénoncer le racisme ordinaire : il le dissèque sous toutes ses coutures. On y trouve un militaire psychopathe, halluciné par sa haine des étrangers, capable du pire, mais rongé par des désirs secrets qu’il camoufle maladroitement. L’ambiguïté autour d’une possible paternité entre lui et la fille de DiCaprio ajoute une couche de tragédie familiale captivante.

Là où le film surprend, c’est dans la subversion de ses figures traditionnelles : les « sœurs » du couvent cultivant du cannabis ne sont en fait rien de moins que des révolutionnaires armées jusqu’aux dents. C’est un geste audacieux qui pimente ce récit déjà rugueux.
Le côté grotesque du lobby raciste baptisé « Les Aventuriers de Noël”, une caricature ouverte du Ku Klux Klan en fait, fonctionne comme une satire féroce, sans jamais tomber dans la farce. On est toujours dans la violence brute, palpable, que la musique lancinante souligne à la perfection, étirant une scène clé en une épreuve sensorielle épuisante.

Visuellement, c’est la course-poursuite dans le désert qui marque les esprits : un cadre quasi hypnotique, où la route sinueuse devient le symbole des montagnes russes émotionnelles des fuyards. Une tension parfaitement gérée qui porte tout le film.
Malgré sa longueur, « Une bataille après l’autre » tient la distance grâce à ses rebondissements multiples et à la justesse crue de son propos. Ce film est un miroir brutal tendu à une société malade, où racisme, peur et désir s’entremêlent dans un combat sans fin.
Bande annonce du film Une bataille après l’autre


