Critique de Santo contre les momies de Guanajuato
Synopsis
Satan, un lutteur qui a vendu son âme au Prince des Ténèbres en échange de la gloire, mais qui a été contrecarré par l’ancêtre de Santo, ressuscite cent ans plus tard avec une armée de momies et est bien décidé à se venger.
Avis de Yanick RUF
Le catcheur masqué justicier est de retour… et cette fois, en couleur. Santo contre les momies de Guanajuato s’inscrit pleinement dans la tradition des films de lucha libre mexicaine des années 70 : une série B fauchée, bancale, mais étrangement attachante, où le catch sert autant de moteur narratif que de produit d’appel commercial. Le passage à la couleur donne au film un cachet pop et kitsch qui renforce son côté carte postale délavée du cinéma d’exploitation.
Le générique d’ouverture, d’une longueur démesurée, installe immédiatement le ton : contemplatif, étiré, presque hypnotique, comme si le film peinait à démarrer. Ce démarrage mollasson contraste avec le doublage français, affublé d’un accent très « frenchy » qui renforce l’impression de décalage et ajoute malgré lui une couche de comique involontaire. On se retrouve à sourire autant à cause du film que du travail de localisation, qui écrase toute nuance au profit d’un jeu surjoué.

Sur le plan du scénario, le film pioche dans une pseudo-légende locale de momies enterrées vivantes pour justifier la résurrection d’une armée de cadavres vengeurs. La « momification » est ici traitée sans aucun rapport avec la réalité historique ou anthropologique : peu importe l’embaumement, ce qui compte, c’est de créer une menace spectaculaire et facilement reconnaissable. Le discours pseudo-folklorique sert surtout de prétexte à l’élément véritablement central du film : la glorification de la lucha libre mexicaine.
Le long match de catch inséré en plein milieu du métrage illustre parfaitement cette fonction promotionnelle. Dans un film qui ne dépasse pas 1H20, consacrer autant de temps au ring, avec des bruitages totalement incohérents, relève presque du sabotage narratif. Pourtant, malgré le mixage sonore approximatif et les sons qui ne collent pas aux coups, la beauté du geste reste là : on sent le vrai savoir-faire des lutteurs, leurs acrobaties, leur charisme physique. Le ring devient une scène à part entière, que le film exploite comme un spectacle dans le spectacle.

Visuellement, les masques des momies sont à la fois grotesques et irrésistibles, au point d’en devenir « effrayants de rire ». Le maquillage approximatif, les textures caoutchouteuses, loin de provoquer la peur, déclenchent un plaisir coupable : celui de voir la série B assumer pleinement son côté artisanal. En parallèle, les catcheurs, eux, ne retirent jamais leur masque, y compris dans la vie privée, ce qui ancre le film dans le mythe de la lutte mexicaine où l’identité du luchador est sacrée, presque totemique.
L’intrigue repose sur un dispositif très simple : les momies, guidées par Satan, volent le costume de Blue Demon pour se faire passer pour lui, tout cela dans le seul but d’attirer El Santo, le légendaire El Enmascarado de Plata. La motivation est limpide : permettre à la grande momie Satan de prendre sa revanche sur le héros. Problème : El Santo n’apparaît réellement qu’à la toute fin. Le héros-titre débarque dans les dix dernières minutes pour un affrontement dans la rue, comme un deus ex machina en collants argentés. Cette structure narrative étrange donne la sensation que le film porte le nom de Santo plus pour des raisons commerciales que pour une réelle présence dramatique.

Le final est à l’image du reste : outrageusement invraisemblable. Les momies résistent stoïquement aux balles de police, mais les lutteurs, eux, ont la solution miracle… des pistolets lance-flammes rangés tranquillement dans leur voiture. En termes de cohérence, on touche le fond ; en termes de plaisir nanar, on frôle le sommet. L’absurdité assumée de ces armes improvisées, brandies par des catcheurs masqués, fait partie intégrante du charme du film.

Au bout du compte, Santo contre les momies de Guanajuato ressemble à un manifeste involontaire de la lucha libre filmée : un cinéma où la vraisemblance s’efface devant le mythe, où les catcheurs restent éternellement masqués – sauf pour en mettre un autre. Le film est bourré de défauts, de choix esthétiques discutables et de raccourcis narratifs, mais c’est précisément ce mélange de naïveté, de folklore bricolé et de culte du héros masqué qui en fait une curiosité savoureuse pour les amateurs de bis latino et de nanars exotiques.

