Critique de Frankenstein (2025)
Synopsis
À la fin du XVIIIe siècle, Victor Frankenstein, un scientifique, entreprend de recréer la vie à partir de restes humains. Financé par un mécène, Victor parvient à donner vie à une créature. Cependant, il rejette la créature et l’enferme.
Avis de Yanick Ruf
Le retour grandiose de Guillermo del Toro avec son Frankenstein 2025 est une véritable célébration cinématographique, repoussant les limites du film d’auteur et du blockbuster. Dès les premières images, la prise de vue impressionne par sa qualité visuelle remarquable : des décors somptueux, riches en détails et authentiquement travaillés, plongent le spectateur dans un univers gothique et romantique qui rend hommage à l’époque victorienne tout en y incorporant la patte unique du réalisateur.

Del Toro combine animatroniques, décors réels et costumes somptueux dans une lettre d’amour à la création artisanale du cinéma, animée par une esthétique riche, où chaque plan semble une peinture. La version du célèbre roman de Mary Shelley est revisitée, avec une structure narrative qui alterne deux points de vue, celui du baron Victor Frankenstein puis celui de sa créature. Cette double narration offre un regard inédit et original, notamment en humanisant la créature — intelligente, sensible et capable de réflexion — bien loin de la figure brute et purement monstrueuse que l’on trouve habituellement dans les autres adaptations cinématographiques.
Le film explore la logique scientifique plus en détail, montrant un Victor Frankenstein s’acharnant dans plusieurs expériences avant de réussir sa création, ce qui apporte une cohérence bienvenue et crédible à l’histoire. Le réalisme sanguinolent des opérations chirurgicales de reconstitution est saisissant et ne laissera pas les âmes sensibles indifférentes, rompant avec les clichés simplistes de la figure bâtarde cousue à la hâte. Le jeu des acteurs est convaincant, notamment avec Oscar Isaac dans le rôle de Victor, un scientifique tourmenté, entre cruauté, orgueil et profonde humanité déchue. La créature, incarnée par Jacob Elordi sous plusieurs couches de prothèses méticuleusement réalisées, dégage une présence à la fois fragile et intense, incarnant une ambiguïté troublante entre innocence et rage, naïveté et colère.

Le film ne cherche donc pas simplement à effrayer, mais à susciter l’empathie, posant la question centrale : qui est vraiment le monstre ? Le créateur ou la créature ? Cette réflexion philosophique irrigue le scénario et culmine dans une fin bouleversante, où la créature meurt mais bénéficie d’une résurrection rémanente, aspirant à une vie normale qui lui est difficilement accordée. Parmi les éléments classiques conservés, la présence du vieil aveugle dans la trame narrative rappelle la fidélité à l’œuvre originelle, renforçant le lien avec le mythe.
La dimension gore, bien que parfois intense, n’éclipse jamais la poésie de l’histoire : elle en souligne au contraire la profondeur tragique et la dualité entre beauté et horreur inhérente à cette création. La fiancée de Victor est un autre personnage clé sans qui la trame ne serait pas complète, ajoutant une tension dramatique précieuse, mais sans révéler plus pour ne pas spolier.
Au final, Frankenstein de Guillermo del Toro est un film ambitieux, porté par une mise en scène virtuose et une direction artistique impeccable. Il marie avec brio horreur et lyrisme, réalisme scientifique et fantastique, pour offrir une version enrichie et plus cohérente du mythe. La question de l’humanité et de la monstruosité est au cœur de cette œuvre, appuyée par une narration innovante et un traitement visuel époustouflant. Ce film est autant une renaissance pour le mythe qu’un manifeste pour le cinéma d’auteur de genre à grand spectacle.
