Interview de Christophe Trent Berthemin et Dist de Kaerth pour le film Echap

Suite au tournage du film Echap, nous vous proposons une interview des deux réalisateurs Christophe Trent Berthemin et Dist de Kaerth. Pour rappel le casting est composé des actrices Noémie Alazard Vachet, Anna Polina, Graziella Diamond, Eliska Cross et Lavandra May.

Vous pouvez retrouver une première interview du réalisateur Christophe Trent Berthemin avant le tournage de Echap en cliquant ici.




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Tout d’abord, le tournage s’est il déroulé comme vous le vouliez ? Les Anges (A.N.G.E.L.) ont-ils veillé sur vous (cf première interview) ?



Christophe Trent Berthemin : En toute sincérité, mieux que prévu. Je ne parle pas du résultat final car on est en plein montage et qu’on est pas au bout de nos peines, mais d’un point de vue tournage, il n’y a aucun doute : les anges ont bien veillé sur nous.



Dist de Kaerth : Avec un timing aussi serré que le notre, c’est même dur a croire qu’on y soit arrivé. Sans grosses galères, sans démotivation…




Pourrais-tu nous parler de ta première rencontre avec les actrices ?



Christophe Trent Berthemin : Pour moi, tout s’est passé très vite. On est allé chercher les filles à la gare de Metz, à des horaires différents, ce qui m’a permis de parler plus avec certaines. Puis, on a mangé ensemble, on a discuté un peu et on a rejoint le set directement après. Tout ça en une demi-journée. Dans la foulée, il y a eu une lecture entre elles et c’était parti pour les prises. J’ai donc appris à les connaître pendant le tournage et vu que le film est tourné de manière assez chronologique, je pense que ça se ressentira.




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D’ailleurs, les actrices se connaissaient elles avant le tournage ?



Christophe Trent Berthemin : Certaines se connaissaient par le X, mais ça, Dist te le diras mieux que moi…



Dist de Kaerth : Venant d’un même milieu, elles se connaissent toutes plus ou moins. Certaines avaient même déjà travaillé ensemble, et même Noémie, qui ne vient pas du X, avait déjà bossé en photo avec Graziella.





Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passée votre collaboration pendant le tournage ? Et comment vous êtes vous répartis les rôles ?



Christophe Trent Berthemin : Il faisait le film pendant que je dormais, c’est ça la co-réalisation. Non, d’un point de vue technique, j’ai peu cadré car Dist connaît mieux sa caméra que moi et il est meilleur cadreur que moi. J’étais plus souvent au combo à donner les indications de jeu, même si là encore, on proposait tous les deux. Parfois, on était tous les deux au combo et c’était Cyril Lesage qui cadrait. En gros, tout le monde a un peu fait de tout.



Dist de Kaerth : Aussi, quand l’un de nous deux avait un coup de mou, vu nos plannings, l’autre était derrière pour prendre la relève… et vice et versa.




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Au niveau de la réalisation, Dist de Kaerth et toi, étiez vous plutôt du genre très directif avec les actrices ou vous leur laissiez un peu de liberté sur la façon de jouer ?



Christophe Trent Berthemin : Avant le tournage, les filles m’avaient demandé une bible de leur personnage pour mieux les cerner et une fois sur le plateau, on en a encore reparlé. Niveau texte, je ne suis pas à la virgule près, d’autant plus que le scénario a été écrit en très peu de temps et nécessitait des ajustements sur certains dialogues. Après, les actrices ont été très fidèles au texte. En plus, j’ai eu la prétention d’écrire pour des filles alors que je n’en suis pas une, donc leurs conseils et leurs remarques m’ont même permis d’en apprendre plus et sur les personnages… et sur les filles, en général. Me voilà un homme maintenant.





Le fait que plusieurs actrices viennent du X et n’ont peut être pas suivi d’école de théâtre, cela a-t-il pu être un inconvénient sur la manière d’interpréter leurs rôles pendant le tournage ?



Dist de Kaerth : On ne me retirera pas de l’idée que la meilleure école est le terrain, et elle ont toutes été sur le terrain, même bien plus que certaines comédiennes de formation.



Christophe Trent Berthemin : Je pense que les comédiennes qui viennent du X ont un point fort par rapport à des actrices de théâtre : le rapport à la caméra. Il ne faut pas oublier que la caméra est un des acteurs principaux dans un film et savoir l’appréhender dans l’espace est quelque chose qui n’est pas évident. En plus, quelqu’un comme Anna Polina a par exemple fait le Cours Florent.





Que pourrais tu répondre aux personnes qui auraient un a priori sur ces actrices ?



Christophe Trent Berthemin : Qu’ils aillent se faire… euh non, qu’ils voient le film d’abord. Et si le film ne parvient pas à les convaincre sur les actrices, ce sera de notre faute, la faute à notre direction d’acteurs, la faute à notre timing serré mais pas la leur car elles ont fait un très bon boulot et se sont vite appropriées les personnages. Ce qui n’est pas évident sans répétition avant un tournage.




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Quelles sont les qualités d’une bonne comédienne ?



Christophe Trent Berthemin : Etre à l’écoute, être volontaire, devenir le personnage en un instant et le comprendre mieux que celui qui l’a écrit. Et dans le cas d’Echap, être patiente, très patiente…




Pourrais tu nous parler de chaque une des cinq actrices ?



Christophe Trent Berthemin : Elles sont toutes complètement différentes, opposées pour certaines, mais c’est ce qui fait que l’alchimie a vraiment pu fonctionner entre elles. Chacune correspondait vraiment à son rôle et pouvait en même temps donner une partie d’elle-même dedans pour l’amplifier.

Noémie Alazard-Vachet campe parfaitement son rôle de petite soeur. En une seconde, elle peut passer de la jeune femme forte et indépendante à une enfant fragile et c’est un régal quand on veut prétendre amener une certaine émotion à l’image.  

Anna Polina a la même force de regard qu’ont les actrices chez Zulawski. Elle m’a souvent rappelé ce que j’aime chez une Adjani, même si on va penser que j’en fais trop en disant ça, je le pense.  

Eliska Cross a un visage et une manière de bouger qui la rapproche des comédiennes de l’expressionnisme allemand des années 20. Avec sa coupe dans le film, elle me faisait aussi penser à Louise Brooks. Dans une des scènes de nuit, c’est flagrant et c’est quelque chose que j’adore.

Graziella Diamond est un modèle de naturel, toujours juste et elle joue comme elle respire. Elle a vraiment le jeu dans le sang.

Quant à Lavandra May, elle est aussi vite rentrée dans son personnage qui n’est pas évident, car en retrait des autres, et a vite cerné l’ambiance car on a un goût commun pour le cinéma des 80’s. Comme moi, elle est fan des acteurs à la Corey Haim ou River Phoenix, dont elle porte un t-shirt pendant le film.





Combien de temps a duré le tournage ?



Christophe Trent Berthemin : On devait tourner le film en six jours et on l’a fini en cinq. Cela dit, nous nous sommes revus la semaine suivante avec Dist pour tourner une courte scène avec Lussi de La Nouvelle Star qui fait un caméo et que je remercie encore. Aussi, nous avons fait quelques plans qui manquaient la semaine suivante pendant quelques heures. Donc, le tournage a été plus que court…





Avez-vous eu le temps de faire toutes les scènes prévues ou avez-vous du changer un peu le scénario ?



Christophe Trent Berthemin : On a ajusté certaines scènes, viré quelques plans qui ne servaient à rien mais paradoxalement, on en a rajouté d’autres. On peut donc dire que malgré le manque de temps, le scénario a surtout été amélioré.




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Comment était l’ambiance sur le plateau ?



Christophe Trent Berthemin : Très bonne. Ce n’est pas toujours évident quand on a que quelques heures de sommeil mais il n’y a en tout cas pas eu de grosses brouilles que le mélange de stress et de fatigue aurait pu créer.

Les actrices ont vraiment eu du courage car il ne faut pas oublier qu’il n’y avait aucun plan de travail et qu’on découpait le film au fur et à mesure qu’on tournait les scènes. Donc entre chaque scène, on se posait pour se dire : « Euh, on la fait comment celle-là ? » Sinon, ça ressemblait à une colonie, les filles avaient leur chambre et les garçons la leur.





Pouvez-vous nous parler d’une journée type de tournage ?



Christophe Trent Berthemin : Alors, après avoir dormi trois heures, on se levait vers 8 h pour un PAT à 10 h et on tournait toute la journée avec une pause déjeuner au milieu. En début de soirée, on dînait, et on repartait sur quelques scènes de nuit avant de dormir derrière le combo, derrière la caméra ou en tenant la perche. Heureusement, les bons repas préparés par Klément Cross nous ont vraiment aidés à tenir. Même si mon régime de tournage à moi, c’est plus bière et Redbull, car le stress m’empêche de bouffer.



Dist de Kaerth : Ouais, si j’avais pas mangé, le tournage aurait été bien plus laborieux…





Au niveau de la technique tout s’est bien passé ou avez-vous eu des problèmes ?



Christophe Trent Berthemin : On devait recevoir la perche pour le son le jour du tournage et Dist l’a finalement reçu quelques jours après… la fin du tournage donc, on a fait ça avec un pied de micro. Depuis, Thibault Vergriete qui prenait le son, a des avant-bras de boxeur. Sinon, on ne peut pas dire qu’il y ait réellement eu des problèmes. En tout cas, s’il y en a eu, on trouvait des solutions rapidement à tout. Et puis, que serait un tournage sans problèmes ?





C’est Dist de Kaerth et toi qui faites la post production du film, est ce difficile d’être multi fonction ?



Christophe Trent Berthemin : Non, parce que c’est aussi pour nous la seule manière d’avoir le film qu’on veut, et donc de s’en attribuer les mérites quand on nous dira que c’est bien et de s’en prendre plein la gueule quand on nous dira que c’est nul. Et puis, c’est une manière de rester cohérent et d’être libre dans un projet, même si on doit toujours faire gaffe à ne pas tomber dans l’hermétisme.





Avez-vous beaucoup de rushs ?



Christophe Trent Berthemin : Non, une douzaine d’heures, c’est pas tant que ça. On espère donc que le film fera une heure environ. Mais si on se rend compte que le rythme en patît, on n’hésitera pas à couper pour que ce soit le plus efficace possible. Y’en a marre des films qui durent des plombes. J’en peux pu. J’ai failli dormir pendant Inception




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Quel genre de musique allez vous mettre dans le film ?



Christophe Trent Berthemin
: Dist, Noémie et moi allons composer la B.O ensemble car on vient tous les trois de la musique. Il y a de fortes chances pour que l’indus prenne le dessus même si ce sera surtout un travail de sound-design, avec des voix en fond. Nos références vont se mélanger et il est donc encore difficile de dire à quoi ressemblera le score. Mon modèle est et restera John Carpenter dont l’efficacité dans le minimalisme continue à me mettre à l’amende. Mais j’aime aussi beaucoup ce que font des gens comme John Murphy, Ennio Morricone, Pino Donaggio, Stelvio Cipriani, Philipp Glass, François De Roubaix ou les Goblin, donc le spectre est large. Il y aura aussi quelques chansons.





Comment sera distribué le film ?



Christophe Trent Berthemin : Mal. Non, on va tout faire pour le sortir en Dvd et le vendre nous-mêmes. On verra si on cherche un éditeur ou pas.





Allez vous essayer de proposer votre film à des festivals de cinéma de genre ?



Christophe Trent Berthemin
: Oui, on va même faire que ça. La vie du film va surtout dépendre des Festivals qui vont l’accueillir. Au pire, on sera en Off à côté en louant une piaule et en faisant des projos dedans.

C’est ce qu’on compte faire pour Fantastic’Arts par exemple. On sait très bien que le film n’intéressera pas des distributeurs comme Pathé ou Gaumont, mais on s’en fout car ça ne doit pas l’empêcher de vivre, d’exister. On espère même que l’aventure du film continuera comme ça, quand on viendra le présenter avec l’équipe là où des gens nous accueilleront. On va également rajouter des sous-titres anglais au film pour tenter de le faire voyager le plus possible.





Avez-vous une anecdote à nous dire par rapport à ce tournage ?



Christophe Trent Berthemin : Plein, certaines seront dans le making-of et d’autres n’ont pas eu la chance d’être filmées. Ce qui est marrant, c’est que le seul soir où on a fini plus tôt et où on aurait pu se coucher avant, on s’était tellement habitués au rythme qu’on a fait un Trivial Pursuit, mais tellement fatigués que certains (surtout un) n’arrivaient même pas à poser les questions.



Dist de Kaerth : Oui, une autre anecdote qui montrait à quel point nous étions fatigués, c’est lorsque Cyril s’est posé cinq minutes dans un canapé pendant une scène… et a ronflé au bout de trente secondes. Sans s’en rendre compte.




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Quel est votre meilleur souvenir sur le tournage ?



Dist de Kaerth : Le premier jour, quand on rejoignait tout le monde sur les quais de gare, j’ai vraiment senti une équipe, un vrai groupe se créer ce jour-là.



Christophe Trent Berthemin : L’avant dernier soir, on a fêté l’anniversaire de Noémie et même si on venait de tourner toute la journée et qu’on allait retourner après avoir mangé le gâteau, j’ai eu l’impression qu’on se connaissait tous depuis longtemps et qu’on était à un anniversaire… entre « amis ».





Ce budget zéro a-t-il était un handicap pendant le tournage ?



Christophe Trent Berthemin : Ca aurait été un handicap si je l’avais écrit en pensant avoir un gros budget. Mais là, tout était clair depuis le départ pour que ça ne coûte rien donc on n’a finalement pas eu de mauvaises surprises. Donc en plus de ne pas avoir été un handicap, ça a été le moteur. Le film a coûté environ 1500 euros et cet argent a juste servi à bien manger, bien boire et à défrayer tout le monde. Le problème en France, c’est que tous les producteurs se prennent pour les Weinstein mais quand il s’agit de te filer du blé, tu te retrouves avec le budget d’un épisode de Louis La Brocante.



Dist de Kaerth : Comme dit Trent, je pense que c’est de bosser sous cette contrainte qui a fait la force du tout.
Plus de temps, plus d’argent ou plus de n’importe quoi aurait sans doute nui à Echap.





D’ailleurs avez-vous certains regrets après ce tournage ?



Christophe Trent Berthemin
: Je regrette que ce soit fini. Le jour de la fin de tournage, la fatigue et le fait de revenir à la vie normale après une semaine sans voir personne d’autre que les neuf autres personnes du film m’ont fait vraiment drôle et je me suis senti très seul. On pense déjà au prochain et encore à cette heure-ci, j’ai du mal à m’imaginer le faire avec d’autres personnes. J’ai mis beaucoup de temps à sortir du tournage.



Dist de Kaerth : Aucun regret, à part de ne plus voir cette petit bande à laquelle je m’étais bien attaché…





Si je te demandais de définir les qualités de Echap en quelques mots que dirais tu ?



Christophe Trent Berthemin : Je dirai juste que c’est un film sincère. On a eu envie de le faire comme on peut avoir une subite envie de pisser. Il n’a pas été assez réfléchi pour avoir le moindre côté artificiel qu’ont tous les autres films. Et c’est normal parce que quand tu passes deux ans à préparer un film, tu es obligé d’y réflechir sous tous les angles. Là, on n’a pas eu le temps. C’est donc sa plus grande qualité, mais c’est peut-être aussi sa limite…





Avez-vous déjà des nouveaux projets ?



Christophe Trent Berthemin : Je continue à démarcher mes autres scénarii. Mais une chose est sûre, je ferai encore le prochain avec Dist en co-réa. J’aimerai retrouver toute l’équipe d’Echap dedans et si on part sur un nouveau scénar, je ferai en sorte de donner à rôle à tout le monde, pour les avoir à nouveau pas loin, comme un porte-bonheur.

On est allé voir Piranha 3D cette semaine et ça m’a conforté dans mon envie de faire des choses dans un esprit très 80. J’ai aussi vu récemment Les Petits Mouchoirs de Guillaume Canet qui m’a donné envie de continuer à écrire sur l’amitié. J’ai un autre scénar de genre qui s’appelle IVG et qu’on aimerait faire dans la même logique de tournage. Sinon à cette heure-ci, on évoque plein de choses dans des registres très, très différents.


Dist de Kaerth : Oui, on a beaucoup de projets, beaucoup trop. Il faut même se freiner parfois à reflechir à tout ça pour ne pas nuire au montage.





Photos © Cyril Lesage


Interview réalisé par Stéphane Humbert le 6 septembre 2010


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