The Neon Demon
The Neon Demon

The Neon Demon

Réalisateur
Nicolas Winding Refn
Acteurs
Bella Heathcote, Elle Fanning, et Jena Malone
Pays
Danemark, France, et USA
Genre
Epouvante et Horreur
Durée
117 min
Titre Original
Notre score
8

Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

Film présenté en Compétition au Festival de Cannes 2016

Avis de Fabien

Après le radicalisme ambitieux d’Only God Forgives en 2013, le danois Nicolas Winding Refn revient très en forme avec The Neon Demon, mix de cinémas de genre et d’expérimentations plastiques et sonores qui ne laissera personne indifférent, à l’image de son précédent film.

The Neon Demon est un conte horrifique sur l’obsession de la beauté, la recherche de la jeunesse éternelle qui plonge sa jeune héroïne blonde, naïve et innocente (en apparence), dans un univers déliquescent et dangereux, celui de la mode où la concurrence acharnée pousse des jeunes femmes à faire des choses horribles pour garder leur place sur le podium et devant l’objectif de célèbres créateurs et photographes. Rite initiatique, traversée du miroir, adjuvant, rivales, autant d’éléments fondateurs du conte ici convoqués avec une bonne dose de perversion, cannibalisme et nécrologie en prime!

Très ironique, Nicolas Winding Refn utilise une esthétique publicitaire et clippesque avec ralentis, effets stroboscopiques (clin d’oeil à Gaspar Noé dont il utilise l’acteur de son dernier film pour un petit rôle), musique techno (couplée à des chansons plus rétro pour la touche mélodramatique) et couleurs pop dont une dominante rouge qui renvoieau au Suspiria d’Argento et au Lost Highway de David Lynch, autres grands créateurs de visions cauchemardesques, pour évoquer un monde obsédé par la beauté, le corps et le visages parfaits. Génie visuel provocateur (Prix de la mise en scène pour Drive), Refn dialogue avec le cinéma bis, flirte avec l’expérimental (la séquence du défilé) et le grand-guignol avec une jubilation de salle gosse et un côté poseur qui ne devraient pas plaire à tout le monde. Si la narration de The Neon Demon est plus fluide et linéaire que celle d’Only god forgives, le bât blesse toujours question scénario avec des aspérités et des personnages caricaturaux réduits à une idée, une fonction. Mais la patte visuelle de Refn lui permet de transcender concepts et idées pour nous emmener dans un voyage au bout de l’horreur mémorable.

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NWR plonge dans la cité des anges un casting sexy avec en tête la jeune Elle Fanning, parfaite dans le rôle de cette beauté blonde dont la pureté et la perfection vont susciter jalousies et complots de mannequins qui voient en elle de la chair fraîche à éliminer. Jena Malone, en amie et confidente pas si désintéressée qu’elle le laisse paraître et Keanu Reeves, dans un rôle à contre-emploi d’ogre moderne, entourent la jeune actrice dans ce thriller horrifique très stylisé, avec un score hypnotique de Cliff Martinez.

Outrancier, baroque, provocateur, The Neon Demon est conforme à ce qu’on attendait de Nicolas Winding Refn, un conte d’une grande noirceur, bien barré, traversé de fulgurances visuelles et sonores marquantes, objet cinématographique extrême qui va forcément diviser.

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Avis de Quentin

Deux ans après Only God Forgives, le réalisateur de Drive et Pusher, Nicolas Winding Refn, revient sur le devant de la scène avec l’énigmatique The Neon Demon.

NWR (ou Nicolas Winding Refn) apporte ici une nouvelle pierre à l’édifice en s’affrontant au film de genre. On aura ainsi déjà vu le réalisateur réinterpréter le film de gangsters (Pusher, Drive), carcéral (Bronson) ou encore de combats (Only God Forgives). Pour chacun de ses travaux, NWR opte alors pour une totale réinvention du genre concerné tout en y faisant pénétrer les références inconditionnelles du genre.

Pour The Neon Demon, ce dernier va convoquer la future génération du cinéma hollywoodien avec Elle Fanning, Karl Glusman, Abbey Lee, ou encore Jena Malone mais également des acteurs plus anciens comme Keanu Reeves ou bien Desmond Harrington.

Contrairement à ses deux précédentes œuvres, NWR va changer toute son approche masculine de l’héroïsme, incarné par Ryan Gosling, pour confier le rôle principal à Elle Fanning. Cette décision donnera alors une nouvelle approche pour le réalisateur danois qui commençait à s’essouffler lors de son dernier film.

Cependant ce film est-il le chef d’œuvre tant attendu de Nicolas Winding Refn ?

The Neon Demon raconte l’histoire d’une jeune femme, Jesse, aspirant à devenir top model à Los Angeles. Jesse sera confrontée aux rivalités présentes dans le milieu de la mode ainsi qu’à une ultra-violence omniprésente au cœur de la cité des anges.

Le film comme à son habitude dans le cinéma de NWR, met la forme au service du fond. Le spectateur est donc porté au bon vouloir de la mise en scène. Les effets et jeux de lumières sont en cela stupéfiants.
L’esthétisme de l’œuvre est poussée bien plus loin que dans Only God Forgives. L’esthétisme d’un réalisateur tel que Winding Refn face au monde de la mode ne pouvait alors être qu’hypnotique, envoûtant et c’est exactement ce qu’il se produit. Le spectateur est tout simplement aspiré par les images qui lui sont données à voir.

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De plus, le travail sur la musique, réalisée par Cliff Martinez, est tout simplement grandiloquent. Ce qui permet donc au film de transcender de manière radicale l’intégralité de son contenu qui en devient une véritable fable électro-pop des plus fantasmagoriques.

L’ambiance général du film qu’elle soit visuelle ou encore sonore ne peut que rappeler le cinéma d’horreur italien de la fin des années 70 et du début des années 80.
On pense alors très naturellement au Suspiria de Dario Argento mais aussi à l’univers de Mario Bava pour la mise en scène. Tous deux étant des inspirations pour Nicolas Winding Refn, qui voue une véritable passion au cinéma de genre.
L’univers sonore rappelle également les bandes-sons réalisées par le groupe Goblin qui sont à l’origine des plus grandes bandes originales du cinéma d’horreur italien (Suspiria, Les Frissons de l’Angoisse , Zombie, Phenomena)

Sur le fond, NWR, comme depuis ses deux précédents tournages, apporte un scénario pour le moins succinct. Cependant, ce dernier est étoffé par un véritable questionnement social quant à la place de la mode ainsi que de la beauté dans nos sociétés.

Il pose alors la question de la place du beau de nos jours et son importance. La quête de la beauté pouvant alors mener à une totale déshumanisation des personnes.
On pourra ainsi constater un sublime jeu de miroir lorsque les mannequins communiquent entre elles laissant alors parler le véritable démon campé en elles. On prend de ce fait réellement conscience de cette bipolarisation de l’individu face à la recherche de la perfection physique. Le film parle à la génération actuelle, comme future, menant un constat redoutable et vertigineux du mode du mannequinat où l’innocence n’a pas sa place.

NWR touche alors du doigt la frontière si fine et pourtant dichotomique séparant le monde du rêve et du cauchemar. Le premier pouvant alors se transformer en un battement de cil en une véritable psychose, hystérie.

Le film apporte également un véritable travail sur des notions majeures de notre société étant la différenciation entre la sensibilité et la vulgarité. Le personnage principal représentant alors la quintessence de toutes les subtilités qu’il s’agisse de son visage, de sa démarche, de sa façon de s’exprimer.
Tout y est alors savamment orchestré pour apporter un véritable contraste entre un monde rongé par sa vulgarité qu’elle soit physique, médiatique ou encore langagière, et un monde en quête de beauté innocente, cristalline, sensible.
La recherche de la sensibilité se soldant, en général, lorsque cette dernière est menée avec acharnement, à la plus crasse des vulgarités. La sensibilité devant être avant tout une disposition naturelle et non pas un façonnement artificiel.

Pour justifier cette quête de sensibilité face à la vulgarité, NWR, va alors procéder à un déferlement d’ultra-violence reposant en grande partie sur la suggestion et le mystère. La beauté du film en est décuplée n’apportant alors pas de vulgaires scènes gores. Le film est à la fois choquant, viscéral, irrévérencieux et incorrect tout en conservant une profonde subtilité.

Cette subtilité dans le film de genre est alors de plus en plus rare, ce qui apporte un véritable rafraîchissement dans un cinéma d’horreur ne sachant plus quoi faire pour attirer les foules.

Nous sommes donc bien loin de la pornographie visuelle du cinéma d’horreur s’étant développé ces dernières années avec des œuvres certes visuelles telles que The Bunny Game, The Human Centipede ou encore Serbian Film, mais étant dénuées de toute sensibilité et où seul la barbarie et la vulgarité régnaient en maître.
Face à The Neon Demon on se retrouve alors parfois à penser à des films comme Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper étant connu pour être dans la culture populaire une icône du cinéma gore alors que ce dernier ne contient presque pas la moindre trace d’hémoglobine. L’ambiance du film étant alors portée par une mise en scène et une subtilité à toute épreuve.

The Neon Demon recèle également un grand nombre de clins d’œils à la culture populaire, cinématographique mais également underground. Chaque public pouvant alors retrouver une partie de sa mythologie personnelle au sein du film.
Ainsi, on retrouvera le mythe de Blanche Neige, avec l’utilisation des miroirs renvoyant alors au monde entier le reflet d’une beauté espérée.
De plus, un véritable hommage est rendu au cinéma d’horreur italien. Quel bonheur de pouvoir enfin montrer à un grand public des références de films ainsi que des réalisateurs sombrant chaque jour un peu plus dans l’oubli. On y retrouve donc des clins d’oeil au Blue Holocaust de Joe D’Amato, Suspiria de Dario Argento, mais également à Mario Bava ou encore le grand provocateur Ruggero Deodato.
Pour finir, NWR rend hommage à l’histoire de la comtesse Bathory, devenue un véritable symbole de la musique extrême des années 80. Une adaptation au cinéma a également été réalisée il y a quelques années sur sa sombre histoire.

Nicolas Winding Refn avec The Neon Demon présente un véritable conte macabre, gothique, ampli d’une subtilité que seul les plus grands sont parvenus à atteindre. Le film est en cela un miracle dans la sphère du film de genre rappelant à tous que le cinéma d’horreur est à bien des égards un vivier d’esthétisme et de fantasme visuel.

The Neon Demon est en cela un film qui a dans ses mains tout le potentiel pour devenir un véritable objet de culte générationnel. La véritable Palme d’Or 2016 se trouve alors là juste devant nous. Il ne vous reste plus qu’à ouvrir les yeux.

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Avis de Manu

Voilà, c’est fait, NWR, comme il aime à se faire reconnaître/nommer (initiales partout dès le générique début), livre sa nouvelle orfèvrerie cinématographique. Auteur, c’est certain, dans quelle catégorie ? on hésite encore. Dans le panel fermé (restreint ?) des surréalistes modernes, il n’est pas le seul en activité mais le plus jeune et le plus productif du moment. Les Lynch, Gilliam semblent en torpeur face à une industrie qui a bien changé, quand plus personne ne peut prendre la relève des Buñuel et Fellini. Nicolas Winding Refn, avec la prétention et le génie qui vont avec, s’inscrit donc comme le dernier des « peintres » de son époque.

Rentrer en salle pour voir un de ses films a été, est, et sera (on l’espère) toujours une expérience. Et ce n’est pas le succès (mérité) de Drive qui y changera quelque chose, ou tout juste à tromper habilement une partie de l’innocence d’un public qui n’aurait pas une vue l’ensemble de son œuvre, la réception d’Only God Forgives en témoignait très vite par la suite.

Surprenant, The Neon Demon l’est assurément. Passé l’étonnement et la découverte, le film livre après coup, comme tout le temps chez Nicolas Winding Refn, une sacrée gifle quant à la représentation d’un cinéma qui ne sait parfois plus le sens de son origine. Dans son amour de filmer pour narrer et ressentir, entre son égo et sa passion charnelle dévoués à cet art, Nicolas Winding Refn est le seul cinéaste en activité à pouvoir livrer une telle œuvre.

En premier lieu, un exercice de style impressionnant, dans une beauté graphique et lumineuse qui n’a que peu d’égal ces dernières années, The Neon Demon  s’habille d’une lumière et d’une mise en scène qui laisse le spectateur à genoux, (les mains jointes et levées en option pour certains, à débattre). Là où certains pourront évoquer un scénario post-it en guise d’exorcisme afin de ne pas être trop subjugués par l’œuvre, il convient de relever le sens même de cette réduction scénaristique. Elle est nécessaire au propos, tout simplement. Conte expérimental et moderne baigné d’un surréalisme pointilleux et onirique, le film se savoure à chaque séquence, chaque plan. Mais cette sensation de l’ensemble du film semble naître à la toute fin, quand le voyage se termine, avec différentes vagues, inégales, délivrées pendant près de deux heures. L’objectivité pousse à noter tout de même une lenteur (utile) au 2/3 du film, il faudra passer le cap pour certains. Pour le reste, c’est un open bar sur ce que peut-être l’esthétique au cinéma tout en décriant le propos que l’on sert, malin et intelligent donc. Critique de la superficialité esthétique dans le film (mannequins, stars, monde «  strass et  paillettes », donc cinéma inclus). Prise du risque du propos loin des intérêts populaires (qui se passionne réellement pour le off du mannequinat ? ), Nicolas Winding Refn tente tout, même le plus viscéral, le plus violent, le film d’horreur à l’élégance poussée. Révérence.

Il livre un film fou, méticuleux, précis et qui touche à tout. The Neon Demon, film pluriel, bien malin qui saurait lister toutes les tentatives abordées (philosophiques, anthropophagie, culture moderne, religion, métaphysiques…). Ici, tout est métaphore, proposée avec parfois un humour noir, cynisme et grandiloquence du propos. Sur un rythme électro du grand Cliff Martinez, The Neon Demon éclate  et laisse KO le spectateur qui accepte cette proposition. Film masse, passionnant et percutant, l’ampleur qu’il impose au spectateur dans sa dernière demi-heure promet un plat savoureux mais à la digestion complexe et conceptuelle, comme à ses personnages (sic). Au-delà de sa forme, Nicolas Winding Refn a su emmener loin sa nouvelle œuvre, moins attrayante et facile que certaines passées mais tout aussi généreuses. Dans le surréalisme sensitif, on ne fait pas mieux pour le moment. Génie probablement, fou et unique, évidemment.

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