Detroit : Become Human - le test !
Detroit : Become Human - le test !

Detroit : Become Human – le test !

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Titre Original
Notre score
7

Presque cinq après Beyond Two Souls, le studio Quantic Dream est de retour avec son nouveau titre, Detroit : Become Human. Alors que les précédents titres du studio ont grandement inspiré la concurrence ces dernières années, avec en tête de gondole un Until Dawn qui a su créer la surprise et emporter les suffrages, il est désormais l’heure du verdict : Quantic Dream est-il toujours maître en son royaume ?

A bien des égards, les titres de Quantic Dream font figure d’exceptions dans le paysage vidéoludique mondial. En effet, les précédents jeux des équipes de David Cage n’ont jamais manqué de créer un fossé entre les joueurs, avec d’un côté les adeptes de ces expériences interactives à mi-chemin entre cinéma et jeu vidéo, et de l’autre côté leurs détracteurs. Une scission sans doute inévitable tant l’intérêt des jeux Quantic Dream, notamment depuis Heavy Rain, réside moins dans le gameplay (basé principalement sur des déplacements simples et surtout sur des enchainements de QTE – touches à appuyer au moment précis où elles sont dictées à l’écran) que dans l’histoire et la façon dont les choix du joueur la feront évoluer. En effet, si vous faites partie de ceux qui n’ont jamais touché ou entendu parler de ce genre de jeux, disons qu’il s’agit de la déclinaison vidéoludique des « livres dont vous êtes le héros », où vous devrez décider pour votre/vos héros de certains choix cruciaux au cours de l’aventure, choix qui auront des conséquences directes sur la suite des événements, pouvant par exemple vous faire passer à côté d’une scène majeure, voire même – punition suprême – conduire à la mort de votre héros. Cette direction du studio, déjà expérimentée à l’époque avec Fahrenheit, avait trouvé son succès quelques années plus tard avec Heavy Rain, encore aujourd’hui cité comme référence dans le genre malgré un gameplay assez lourd, avant d’être mise à mal avec Beyond Two Souls. Ce dernier titre, malgré ses qualités indéniables, souffrait néanmoins de ses multiples facilités et incohérences scénaristiques et surtout de n’avoir qu’un seul personnage principal (et donc l’absence évidente du risque de le perdre avant la fin du jeu). Et pour enfoncer le clou, à peine quelques années après Beyond, le studio SuperMassive débarquait par surprise avec l’excellent Until Dawn, réussissant à surpasser Quantic Dream sur son propre terrain. Plus qu’un nouveau jeu, Detroit avait surtout la lourde responsabilité de montrer que Quantic Dream est toujours maitre en son royaume.

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Il suffit de terminer le premier niveau de Detroit pour se rendre compte que quelque chose a changé par rapport aux précédents jeux du studio. Exposition à la fois claire et concise des personnages et des enjeux de l’histoire, gameplay plus souple, choix plus clairs (merci la vision androïde qui permet de voir autant les interactions disponibles dans notre champ de vision que les objectifs et choix possibles) aux conséquences parfois réellement dramatiques… Ces premières minutes dans Detroit confirment très vite que David Cage et ses équipes ont entendu et retenu les reproches faits à leurs précédents titres, et semblent bien décidés à les corriger. Une impression que la suite du jeu viendra confirmer, au point que Detroit pourrait bien être considéré comme la synthèse des précédents jeux de Quantic Dream depuis la reconnaissance de Heavy Rain.

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En premier lieu, on trouve le choix de son intrigue, et notamment de ses personnages jouables. Exit les héros humains, place aux androïdes se découvrant (ou non) une conscience, des sentiments et surtout une raison d’être allant au-delà de leur statut de simple machine au service des humains, et les poussant à revendiquer leur liberté. Sur le seul plan technique, privilégier des héros-machines se révèle rapidement une idée de génie qui permet à Quantic Dream de s’affranchir de la « vallée de l’étrange » (Uncanny Valley) qui gangrénait ses précédentes productions, où le soin apporté au design et aux émotions de ses personnages humains en faisait paradoxalement ressortir les défauts esthétiques et techniques (notamment leurs animations souvent très raides) et les incohérences de certaines situations. En mettant en scène des androïdes, le studio parvient ainsi non pas à corriger ces défauts, mais à se les réapproprier, les intégrer à l’univers de son jeu, pour mieux nous les faire oublier. Ainsi, qu’il s’agisse des animations faciales ou de déplacement ou encore des choix d’actions ou de dialogues, qu’importe qu’ils soient parfois peu réalistes, voire incohérents, puisqu’il ne s’agit plus d’humains, mais de machines. Autant dire que l’immersion dans l’univers et l’histoire de Detroit Become Human s’en retrouve incroyablement grandie, de même que l’attachement aux personnages – jouables ou non – que l’on se surprendra à réellement craindre de les perdre à tout moment. Puisque oui, plus que jamais, il sera tout à fait possible de voir ces personnages mourir de manière définitive (à une surprise près). Evidemment, des personnages humains non jouables sont de la partie et ont les mêmes défauts précités, mais à l’exception du personnage de Hank (dont la modélisation et les animations ne rendront pas toujours hommage à la performance de l’excellent Clancy Brown), il sera facile d’en faire abstraction vu que la plupart sont réduits à des rôles très secondaires.

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Sur le plan du gameplay, on reste en terrain connu avec un mélange constitué d’un peu de déplacements au joystick et de beaucoup de QTE et actions à réaliser en faisant pivoter le joystick dans des sens précis. Rien de neuf sous le soleil de Quantic Dream, en somme. Heureusement, quelques nouveautés font leur apparition, à commencer par la vision androïde qui permet de figer le temps et surtout d’analyser l’environnement pour détecter les différentes interactions possibles dans le champ de vision. Simple et efficace pour se repérer. Cette vision androïde est également agrémentée de certains dérivés hérités de Batman Arkham (la vision de détective de Connor) ou de Remember Me (la vision de Markus permettant de tester différentes combinaisons de déplacement). Rien de bien original certes, mais on sent bien que l’univers des androïdes a inspiré Quantic Dream.

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En revanche, sur le plan scénaristique, on reste en terrain connu puisqu’il faudra composer avec d’innombrables choix dont l’impact sera parfois difficile à estimer sur la suite, peu aidé par des descriptions pas toujours très claires. En revanche, plus que dans leurs précédentes œuvres, on sent que Quantic Dream a cherché à nous prendre par surprise en nous offrant des conséquences régulièrement inattendues à nos choix (vouloir sauver un PNJ et le voir illico tuer votre héros : une facilité certes, mais qui fait son petit effet). De même, on appréciera que le retour des héros multiples (qui manquait cruellement à Beyond Two Souls) aille au-delà des caractères des personnages. En effet, Connor, Kara et Markus bénéficient chacun de leur intrigue et leur atmosphère propre, allant du film policier au drame familial en passant par un mélange de film de guerre et film politique. Car oui, encore plus que dans les précédents titres du studio, la mise en scène de Detroit puise largement dans ce que le cinéma a su nous offrir depuis des lustres et si elle n’évitera toujours pas les facilités et maladresses, elle nous réserve également son lot de moments assez marquants, tels un androïde se découvrant une fibre artistique, ou encore un passage de résurrection (au propre comme au figuré) qui devrait séduire sans mal les amateurs d’ambiances horrifiques.

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Enfin, difficile de ne pas saluer le travail effectué sur les différents choix tout au long de l’aventure et qui se révèleront importants autant à court terme (certaines conséquences sont immédiates et parfois fatales) qu’à long terme, ne dévoilant leur ampleur que dans les dernières scènes. A ce titre, on appréciera que les différentes (et nombreuses) fins du jeu réussissent à aller d’un extrême à un autre – depuis le happy-end jusqu’à l’épilogue vraiment dark – sont trop tomber dans l’incohérence, même si on retrouve la patte Quantic Dream et sa tendance à vouloir créer l’émotion à tout prix, au risque de tomber dans l’exagération et le manque de finesse. Sans compter quelques ratés assez perturbants tout au long du jeu (un androïde baignant dans l’incertitude et qui devient brusquement un véritable Terminator, un autre décidant en un clin d’œil de se sacrifier pour quelqu’un qu’il ne connait qu’à peine…). En somme, les défauts propres aux précédents jeux de Quantic Dream sont toujours là, même si Detroit témoigne d’un certain mieux.

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Par contre, impossible de ne pas citer l’une des nouveautés apportées par Detroit : l’arborescence. En effet, à la fin de chaque niveau, un écran vous montrera sous forme de graphique votre parcours et les différents choix que vous avez fait, depuis le début jusqu’à la fin du chapitre. Si sur le papier, l’idée était sans doute bonne, elle se révèle en pratique particulièrement malvenue pour une simple raison : en rappelant constamment au joueur le chemin qu’il a suivi, et surtout en lui faisant prendre conscience des autres voies possibles, Quantic Dream parvient à ruiner l’immersion, l’attachement et l’identification que le jeu avait pourtant réussi à procurer au joueur. Un peu comme si le créateur David Cage débarquait façon Deadpool au beau milieu de votre écran pour vous rappeler constamment que tout ceci n’est qu’un jeu. Quand on sait à quel point l’émotion est au cœur de chaque œuvre de Quantic Dream, on en viendrait presque à se demander les substances que certains membres du studio ont pu prendre pour avaliser l’omniprésence de cette feature qui vient autant mettre à mal leur travail. Dans tous les cas, en attendant un hypothétique patch qui permettrait de désactiver cette feature, notre seul conseil sera de fermer les yeux entre deux chapitres, au moins lors de votre première partie.

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Et le plan technique, me dites-vous ? Outre la réappropriation de l’Uncanny Valley dont nous parlions plus haut grâce au choix de héros non-humains, Detroit Become Human bénéficie évidemment du savoir-faire indéniable du studio depuis Heavy Rain. Outre la modélisation des personnages (même l’androïde qui anime votre menu principal est assez impressionnante de réalisme), les décors bénéficient également d’un réel soin. Si les environnements en ambiance lambda n’ont pas vraiment à rougir des standards actuels sans pour autant s’en démarquer, ce sont surtout les décors bénéficiant d’effets de lumière et météo (pluie, nuit, néons…) qui tirent leur épingle du jeu, offrant régulièrement des ambiances assez mémorables. Il faut dire aussi que l’aspect technique est bien aidé par l’élégante direction artistique futuriste-mais-pas-trop, où l’on reconnaitra sans mal l’influence d’œuvres comme Les Fils de l’Homme. Côté sonore, Quantic Dream a eu l’excellente idée de confier la musique à trois artistes différents (un pour chaque personnage jouable), ce qui permet à chacune des différentes intrigues de bénéficier d’une atmosphère musicale propre. Les mélomanes apprécieront. Quant au doublage, si la VF reste honnête avec un casting de voix familières, nous vous conseillons malgré tout la VO pour profiter au mieux de la prestation des comédiens (jouant en performance capture, pour rappel). D’autant que malgré notre affection éternelle pour Donald Reignoux : Connor avec la voix de Reese, le frère déjanté de Malcolm, ça fait quand même bizarre.

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Au final, Detroit Become Human témoigne d’une certaine maturité pour Quantic Dream. Certes, on y retrouve les mêmes défauts et qualités qui étaient auparavant présents dans Heavy Rain et/ou Beyond Two Souls. Mais l’univers de Detroit, et notamment ses personnages androïdes, permettent au studio de se réapproprier bon nombre de ces défauts et de, sinon les corriger, réussir à les intégrer directement à son univers narratif pour mieux l’enrichir. Un vrai bond en avant en termes d’immersion et d’émotion, malheureusement entravé par l’ajout des arborescences de fin de niveau qui se révèlent au final l’une des pires idées du studio. Suffisamment pour casser l’immersion du joueur (et faire perdre une demi-étoile à la note du jeu), mais heureusement pas assez pour justifier de passer à côté de Detroit Become Human qui s’impose comme la digne synthèse des derniers jeux de Quantic Dream.

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