Interview du réalisateur Julien Richard-Thomson à propos de Korruption
Interview du réalisateur Julien Richard-Thomson à propos de Korruption

Interview du réalisateur Julien Richard-Thomson à propos de Korruption

Suite à la polémique sur le tournage du film Korruption du réalisateur Julien Richard-Thomson, nous avons décidé de poser quelques questions à son réalisateur.

Nous vous avions parlé de Korruption lors de la campagne sur le site de crowdfunding KissKissBankBank. D’ailleurs nous avions souscrit au film lors de cette campagne (avant la polémique).

Aussi nous avons posé nos questions et comme vous allez le lire Julien Richard-Thomson nous a répondu. D’ailleurs si un des protagonistes cités dans l’interview décide d’avoir un droit de réponse, nous le publierons.

-Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pourriez vous vous présenter ?

Julien Richard-Thomson : Je suis réalisateur, scénariste et producteur, j’ai signé une dizaine de longs-métrages depuis vingt ans principalement dans le genre fantastique (souvent des comédies fantastiques parodiques, comme Jurassic Trash). Je me bats pour faire exister en France un cinéma de genre différent mais pour le moment, en vain car je suis l’un des rares réalisateurs et producteurs français à ne jamais avoir bénéficié des aides publiques. On me présente aussi comme le pionnier du « Direct to Video » en France, certains me qualifient de réalisateur « culte » en raison de mon parcours atypique.

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– Pourriez vous nous parler de la polémique qu’il y a eu autour du tournage de Korruption dans la mairie de l’hôtel de Ville d’Asnières ?

Julien Richard-ThomsonKorruption est une comédie noire corrosive qui, sous une forme humoristique et caricaturale, dénonce beaucoup de choses : le pouvoir de l’argent, la corruption, mais aussi les médias manipulateurs, les mafias qui exploitent les êtres humains etc… Le CNC nous ayant refusé la moindre aide, nous avons tourné un teaser de quelques minutes afin de rechercher les financements et tourner le film à la rentrée 2014. Des séquences (notamment une scène de tribunal) ont été tournées dans la ville où je réside, Asnières sur Seine, en particulier à l’Hôtel de Ville. Or, fin juin à notre grand surprise, le nouveau maire de cette ville a dénoncé le film dans la presse et a parlé d’un film « pornographique abject » tourné dans sa mairie. Le journal Le Point et la chaine M6 ont embrayé ce qui a suscité un scandale politico-médiatique absurde qui a malheureusement retardé le tournage.

– Aviez vous les autorisations pour tourner le film dans la mairie ?

Bien sûr, nous avions l’autorisation écrite de la mairie selon les conditions habituelles et légales, mais elle nous avait été donnée par l’ancien maire qui a été battu aux élections d’avril dernier. Il a été remplacé par un politicien proche de la droite dure et de certains milieux intégristes. Il a peut-être cru à une attaque contre lui (cet élu proche de B…y a déjà subi des condamnations dans des affaires de marchés publics…) alors que mon film est une pure fiction et ne traite pas d’affaires réelles. Korruption évoque la corruption en général à travers une histoire totalement inventée teintée d’un certain surréalisme, on baigne dans un univers étrange comme dans Buffet Froid de Bertrand Blier. Rien à voir avec la politique locale!

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– Pourquoi selon vous y a t il eu autant de médiatisation ?

Julien Richard-Thomson : Le Point a sorti un article vraiment répugnant, qui affirmait que nous avions tourné une vidéo X dans la salle des mariages de cette ville avec la complicité de l’ancien maire. Les médias, toujours friands de scandales surtout s’ils se rapportent au sexe ou au porno, ont fait le rapprochement avec DSK et en quelques heures ça a fait boule de neige: les journaux en ligne, les radios, les télés ont rapporté cette soi-disant « affaire de porno illégal » sans prendre la peine de vérifier si cela était vrai ! En vérité, il n’y a aucune image porno dans Korruption, tout juste aperçoit-on une paire de seins dans le teaser (et encore, cette image n’a pas été tournée par notre équipe puisqu’elle provient d’une banque d’images étrangère!).

– Beaucoup de médias se sont intéressés à l’affaire. Ont ils tous été objectifs ?

Julien Richard-Thomson : Chaque média a voulu copier son voisin, c’est le problème bien connu de la rapidité à laquelle vont les journaux et les télés, personne ne vérifie rien et choisit systématiquement le titre le plus racoleur pour appâter le lecteur! N’importe quelle énormité passe comme une lettre à la Poste. Très peu de journaux ont fait leur travail en visionnant le teaser et en me contactant pour connaître la vérité: Paris Match, Métro, Marianne et quelques journalistes indépendants. En revanche, sitôt l’affaire dégonflée, beaucoup de médias ont retiré leurs articles diffamatoires de leurs sites internet pour échapper aux poursuites. Car j’ai bien sûr porté plainte envers ceux qui ont volontairement propagé cette rumeur malveillante.

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– Quels ont été les conséquences de cette polémique (perte de sponsors, …) ?

Julien Richard-Thomson : Pour le moment nous avons perdu un investisseur et d’autres sont méfiants. Certes le projet a été médiatisé mais pour de mauvaises raisons. Je ne souhaitais absolument pas ce type de « publicité ». Mes comédiens ont également été choqués, certains l’ont pris à la rigolade mais d’autres ont eu des répercussions négatives. Les médias ont publié des photos d’eux en les présentant comme des hardeurs! Ils n’ont pas tous apprécié la plaisanterie, loin de là…

– D’ailleurs pourrais tu nous parler de ton film Korruption ?

Julien Richard-Thomson : Il s’agit vraiment d’un projet assez original, à l’humour très noir. Le début est sordide; un flic ripou vend ses deux filles à la mafia pour payer une nouvelle poitrine à sa nouvelle femme. J’en profite pour égratigner la société de consommation, l’exploitation des êtes humains, les médias…Il est très ironique d’ailleurs que nous ayons dû subir cette campagne médiatique grotesque, cela a prouvé ce que je voulais dénoncer : dans une société déboussolée, il est très facile de lancer une machination ou faire élire un politicien extrémiste.

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– Pourrais tu nous parler des 2 actrices principales (Laura Giudice et Julie Nicolet) ? Pourquoi les avoir choisies ?

Julien Richard-Thomson : Je ne les connaissais pas, nous avons organisé un casting et Laura et Julie sont sorties du lot, elles ont un grand talent. De plus, il fallait qu’elles jouent des sœurs et je trouve que ces rôles leur vont bien, elles sont parfaitement crédibles. Toutes deux apprécient les films décalés, elles ont aimé le scénario et compris parfaitement son second degré. Laura est belge et il faut dire que les belges sont souvent plus ouverts à l’humour absurde. Elle est fan de Quentin Dupieux aussi…

– A part cette polémique comment s’est déroulé le tournage ?

Julien Richard-Thomson : Le petit tournage s’est déroulé sur quatre jours, tout s’est bien passé. J’ai fait appel à certains de mes collaborateurs habituels (Pierre Baudais le chef opérateur par exemple) à quelques acteurs fidèles mais aussi des nouvelles recrues. L’ambiance a été détendue et studieuse, bien entendu nous avons souffert d’un certain manque de moyens qui nous a forcé à « faire simple » et surtout faire vite, mais je commence à en avoir l’habitude. Ce que nous espérons tous c’est que nous allons pouvoir réunir le budget nécessaire pour continuer le tournage et présenter le film au public le plus tôt possible. Le film est assez attendu mais hélas, les financeurs classiques du cinéma français (Institutions, télévisions…) n’aiment pas ce type de projets iconoclastes. Ils considèrent mes films comme des ovnis. J’attends encore la réponse de Canal Plus, j’espère qu’ils vont percevoir tout le potentiel de Korruption.

-Nous avions fait la critique de Jurassic Trash et nous avions évoqué le très petit budget du film… Est-ce aussi le cas pour Korruption ? Si oui pourquoi faire des films avec un petit budget ?

Julien Richard-Thomson : Faire des films à petits budgets n’est pas un choix pour moi, je suis forcé de fonctionner avec le peu de moyens dont je dispose. Voilà vingt ans que je me bats pour tenter de faire produire des films « de genre » différents de ce que les Français ont l’habitude de voir. Dans les années 90 j’œuvrais principalement dans la parodie déjantée, Puis dans les années 2000 j’ai abordé un registre plus sombre et personnel, j’ai écrit des dizaines d’histoires teintées de fantastique abordant des thématiques diverses (l’exploitation économique, la paranoïa, les médias, la politique…) mais aucune n’a pu être financée à cause de l’incroyable frilosité des décideurs du cinéma. Je ne fais partie d’aucune « école », je ne suis pas « fils de » non plus, je suis donc perçu comme un extra-terrestre par les « professionnels de la profession » et les institutions. Pourtant bon nombre de mes scénarios auraient pu être portés à l’écran car je ne fais pas du cinéma expérimental. Mes films, s’ils abordent parfois des thématiques originales, sont conçus pour être accessibles à un public relativement large.

– Dans quelques jours, le DVD de ZOMBIE CLUB SPECIAL COCKTAIL va sortir. Pourrais tu nous dire ce qu’il y a sur cette compilation qui regroupe les meilleurs films de zombies Made in France ?

Julien Richard-Thomson : Ce dvd est un modeste hommage aux films à sketches façon Creepshow. Nous avons réuni plusieurs histoires (la série Zombi Carnage, le film Eject remonté…) avec en bonus plusieurs courts-métrages, sur le thème des zombies. C’est de la série B voire Z assumée, sans budget, faite par des passionnés de cinéma de genre…et de morts-vivants!

Interview réalisé par Stéphane Humbert en août 2014.

Nous remercions Julien Richard-Thomson pour ses réponses et pour les photos qu’il nous a fournies pour cette interview

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