Interview du réalisateur Hirokazu Kore-eda

 

 

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Rencontre avec Hirokazu Kore-eda, réalisateur japonnais mis à l’honneur cette année avec une retrospective complète de ces oeuvres présentée lors de la 18ème édition du Fica.

 

CA : Vous avez réalisé différent genre de film tel que du documentaire, du long métrage ou du telefilm. Qu’est ce qui vous attire le plus dans le monde du cinéma ?

Je me le demande. Je me demande toujours ce que le cinéma représente pour les gens et c’est en voulant répondre à cette question que je réalise des films. Jusqu’à l’âge de 30ans on me répétait souvent qu’on ne me comprenait pas. Mes amis me disaient qu’ils ne comprenaient pas ce que je pensais, ce que j’avais dans la tête. Un jour, un proche a vu un documentaire que j’avais réalisé et m’a expliqué que pour la première fois il m’avait compris, que finalement le film représentait mieux ma personnalité. Je me suis donc rendu compte que j’avais besoin de l’image et des œuvres visuelles pour exprimer mes pensées et mes émotions. Le fait de filmer et tourner me permet d’étudier le monde et d’avoir une certaine interaction avec lui. Le cinéma est à mon sens l’outil le plus efficace pour échanger avec les gens.

 

CA : Est-il plus facile de filmer de vrais acteurs ou les gens dans leur vie de tous les jours comme par exemple dans vos documentaires ?

Je ne fais pas de distinction. Faire tourner des acteurs professionnels ou des amateurs peut être difficile dans les deux cas, cela dépend vraiment des personnes. L’important c’est de savoir si j’ai envi de filmer ces personnes et si elles aussi ont envies d’être filmées. Au cinéma ce qui est primordial c’est d’établir une relation de confiance autour de la caméra. En partant de ce point de vue, on ne fait plus de distinctions entre documentaires et films ou entre acteurs professionnels et amateurs.

 

CA : Dans votre carrière vous avez beaucoup tourné avec des acteurs et des amateurs. Est ce que quelque chose vous a profondément marqué ? Que ce soit en tournage ou justement hors tournage vis a vis de votre relation avec ces personnes autour de la caméra ?

Je me souviens très clairement des enfants qui élevaient des veaux que j’avais rencontrés pour mon premier documentaire (ndlr : Lesson from a calf). Il y’avait aussi cette femme dont les expressions du visage et la manière de raconter m’ont beaucoup impressionné lorsqu’elle parlait sous forme d’interview pour l’un de mes documentaire ; comment son mari en est venu à se suicider (ndlr : However). Je pourrais encore citer beaucoup d’autres choses, par exemple pour After Life, la rencontre de la dame âgée qui secouait son mouchoir en chantant « Les Chansons Rouges ». Pour le film Nobody Knows la rencontre avec les enfants, pour le film Still Walking la rencontre avec Kiki Kirin qui jouait la grand mère car cette actrice m’a beaucoup appris. Je me souviens aussi énormément de ma rencontre avec l’actrice coréenne Bae Doona qui jouait le rôle principal dans Air Doll.

 

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CA : Suite au Tsunami et à l’incident de Fukushima, quel impact cela a t-il eu sur votre travail ?

J’ai un enfant maintenant, je l’élève dans la ville de Tokyo. Je me demande comment donner à nos enfants la pérennité de l’eau, de la nourriture et de l’environnement. Comment reconstruire les détails de la vie quotidienne de manière concrète, se sentir concerné par cet incident nucléaire à Fukushima et enfin quelles valeurs donner à la société et aux générations futures. Je pense que nous sommes à un tournant de l’histoire pour décider quoi léguer à nos enfants. Je ne sais pas de quelle manière ces tragédies vont influencer mes œuvres mais en tant que personne qui vit et pas seulement en tant que cinéaste je pense que ces tragédies qui ont eu lieu l’année dernière sont des sujets incontournables et vont forcément nous influencer.

 

CA : Justement, avez-vous le projet de faire quelque chose dessus ?

Je n’ai pas de projet de film sur ce thème là. Toutes sortes de pensées se mélangent en moi, j’ai besoin de temps pour que les réflexions essentielles en ressortent afin de pouvoir traiter ce thème convenablement.

 

CA : De quelle manière vous-êtes-vous impliqué pour soutenir le Japon dans cette épreuve ?

Je fais tout ce que je peux, le plus possible. Lors de mon travail pour la télévision, nous sommes allés à Fukushima avec des enfants. Nous leur avons donné la caméra afin de réaliser une lettre au format vidéo. Avec des amis réalisateurs, nous avons travaillés avec cette centaine de garçons et de filles et l’on peut déjà voir le résultat sur le site de Kavesta qui diffusera un jour à la télévision ce reportage. C’est avec ce travail que j’ai essayé d’aider les enfants à transmettre ce qu’ils avaient envie de dire.

 

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CA : Comment choisissez vous le thème de vos films ? Beaucoup de vos œuvres s’inspirent de votre vie ou d’évènements de votre passé, est ce toujours le cas ?

C’est la question la plus difficile à laquelle je dois répondre, car lorsque l’on choisit un thème il n’y a pas de règles. Dans la vie de tous les jours il se passe beaucoup de choses qui me préoccupe mais aussi dans ma vie personnelle. Par exemple la mort de ma mère, la naissance de mon enfant ou la mort de producteurs qui comptaient beaucoup pour moi, etc… Ces sujets de préoccupations m’intriguent et finalement ce sont ces choses auxquelles je pense qui peuvent devenir le sujet d’un film. Par exemple si je me demande qu’es ce que c’est que de devenir père, j’approfondi la question, je fais un scénario ou je fais des recherches sur ce sujet. Ces recherches m’apportent d’autres idées et me permettent d’écrire un scénario plus approfondi. C’est vraiment du cas par cas.

 

CA : Est ce qu’il y a un genre de film que vous n’avez jamais réalisé et que vous souhaiteriez réaliser ?

Une comédie musicale (rire).

 

CA : C’est dans vos projets ?

Non (rire).

 

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CA : En ce moment, quels sont vos projets ?

Un film dont le tournage commence à la fin du mois prochain. C’est une histoire de famille autour d’un père d’une quarantaine d’années et son fils de 6 ans.

 

CA : Pour terminer, un message à faire passer pour vos fans du monde entier ?

En tant que réalisateur je suis très heureux et reconnaissant envers les personnes qi apprécient mes œuvres et qui attendent mon prochain film. J’espère répondre à leurs attentes et pouvoir continuer à me lancer pleins de défis.

 

 

Un grand merci à ce réalisateur formidable pour ce moment instructif et des plus agréable. Tous nos remerciements également aux organisateurs du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul pour nous avoir permis de réaliser cette interview dans d’excellentes conditions.

 

 

 

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