Interview de Teng Yung-shing – FICA 2012

 

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Rencontre avecTeng Yung-shing, réalisateur de Return Ticket présenté lors de la 18ème édition du Fica.

 

 

CA : Votre second film Return Ticket a été produit par Hou Hsiao-hsien, comment s’est déroulée votre rencontre ? Pourquoi a t’il décidé de produire votre film ?

Je pense que c’est une rencontre dictée par le destin, nous étions destinés à nous rencontrer. En fait avec Hou Hsiao-hsien on se connait depuis très longtemps. Lorsque j’eu fini de faire ce film et de le monter, je lui ai demandé de jeter un coup d’œil pour me dire ce qu’il en pensait. Il l’a vu, m’a proposé d’enlever deux ou trois petites choses et c’est ainsi qu’en deux jours il a légèrement modifié le montage du film pour arriver à ce qu’il est maintenant. Ce n’était que deux jours mais cela m’a été d’une grande aide. C’est de cette manière qu’il est devenu producteur exécutif.

 

CA : Vous avez réalisé beaucoup de publicités, qu’est ce qui vous a fait passer au monde du cinéma ?

Pour moi la pub ou le cinéma c’est exactement la même chose. C’est toujours tourner des histoires, la seule différence c’est la longueur de ces histoires.

 

CA : Vous étiez très connu dans le domaine de la pub et avez même reçu des prix. Pourquoi avoir changé de domaine et pris le risque de passer sur grand écran ?

Tout comme ma rencontre avec Hou Hsiao-hsien je pense que c’est le destin. Faire des choix fait parti de notre destin. Je fais des choix dans ma vie de famille et dans ma vie professionnelle tous les jours. J’ai parfois des idées pour des films de 10minutes, de 2heures ou pour des pubs. Tout dépend de ce qui me vient à l’esprit.

 

 

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CA : Pour vous la publicité et le cinéma  sont similaires, pourtant dans une pub il y a un commanditaire alors qu’un film reste une œuvre plus personnelle. Qu’est ce que votre expérience dans la pub vous a apporté ?

Dans un film on a besoin de se donner des limites. La marque pour laquelle on travaille donne ses limites et c’est ce que la pub m’ a appris : comment arriver à fonctionner et avoir son propre espace de liberté en s’imposant des restrictions.

 

CA : Comment avez vous choisi le thème de votre film ? Pourquoi ce thème du mal du pays et pourquoi l’avoir centralisé sur Shangaï ?

Le mal du pays c’est quelque chose que je ressens personnellement. Ce n’est pas tant que ma famille est loin ou me manque ou quoi que ce soit d’autre. Mais parfois je me réveille la nuit et je ne sais plus trop ou j’en suis, j’ai une sorte de vide et j’ai des envies de retour à la maison, de chaleur et de réconfort. C’est quelque chose de normal pour beaucoup de monde et quand j’ai décidé de faire un film je veux avant tout essayer de répondre à mes propres questions.

 

CA : C’est donc un thème personnel pour vous et qui vous touche que vous avez voulu mettre en scène ?

Oui exactement. J’ai décidé de faire ce film en choisissant ce thème pour répondre à mes questions de mal ou de nostalgie du pays.

 

CA : Je sais que de vraies femmes de ménage sont présentes dans le film et ne sont donc pas des actrices professionnelles. Avez vous rencontré des difficultés à faire tourner ensemble des acteurs et non acteurs ?

Nous avons d’abord réalisé un documentaire un an avant le tournage sur ces femmes en les suivant dans leur vie de tous les jours. Nous les avons suivies durant toute une année jusqu’à ce qu’elles s’habituent à avoir une caméra qui les accompagnent, à être naturelles lorsqu’on les filme.

De cette manière, elles se sont habituées et n’ont pas sur jouées pendant le tournage. Garder un air naturel face aux acteurs professionnels a été plus facile.

 

CA : Comment s’est déroulée la rencontre entre les acteurs professionnels et non professionnels ? Les acteurs professionnels n’ont pas les mêmes exigences, y’a t’il eu une sorte d’alchimie pour réussir à les faire tourner ensemble ?

Il est important de savoir que tout a été fait en décors naturels, jamais en studio et sans aucuns éclairages supplémentaires. Tout était donc vrai pour les acteurs non professionnels. C’était leurs rues, les gens qu’elles connaissaient, etc… Pour les acteurs professionnels on distingue deux vies : celle en tant qu’acteur comme sur un tournage et leur vie de tous les jours. J’ai choisi de les filmer comme dans leur vie quotidienne. Je pense que ces deux paramètres ont permis de donner ce réalisme au film et de créer cet échange entre amateurs et professionnels.

 

CA : Quel est votre meilleur souvenir de ce tournage ?

C’est un tournage qui a été fait en 18 jours. Ces 18 jours ont été vraiment très heureux. C’est comme si tout ce que j’avais fait avant dans ma vie se réalisait dans le film. Quand les tournages sont longs, en général les gens se disputent, on arrive pas à faire ce que l’on veut. Là au contraire c’était très fluide et très agréable à réaliser.

 

CA : 18 jours c’est très court pour un film, avez vous rencontré des difficultés particulières ?

Tous les jours il y avait des difficultés mais elles n’étaient jamais insurmontables. La plus grande était surtout liée à l espace et comment se placer pour tourner. Tout ce qui concernait l’argent ou gérer l’emploi du temps des différentes personnes ne posait pas vraiment de problèmes.

Ma plus grande appréhension était que toutes ces femmes aient peur de la caméra. Jusqu’a maintenant je tournais avec une petite caméra pour documentaire et la je suis passé avec une 35mm donc très grosse. J’avais peur que cela leur pose des problèmes mais au final tout s’est très bien passé.

 

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CA : Beaucoup d’émotions se dégagent de Return Ticket allant de passages tristes à d’autres parfois comiques. Pourquoi avoir choisi d’arrêter votre film sur un passage triste de séparation alors que vous auriez par exemple pu montrer le voyage ?

Pour moi chercher une maison ou une famille est quelque chose d’abstrait. Je ne voulais donc pas avoir a montrer ce qu’est une image de la maison ou de la famille car chacun en a sa propre perception. Le film traite d’un retour aux origines, il y a le lieu de naissance mais surtout l’endroit où l’on se sent chez soi.

Concernant les images du voyage, sur la route, cela aurait pu faire un autre film.

 

CA : Quels sont vos futurs projets ? Le sujet de votre prochain film ?

En fait mon rêve dans la vie c’est de faire des films comme Stephen Chow. De faire des comédies mais personne n’arriveraient à croire que j’en sois capable (rire).

Je suis actuellement en train d’écrire un scenario pour mon prochain film qui traitera des relations intimes entre les amoureux et je réfléchis à une nouvelle manière pour les présenter. Mon premier film a été sur l’amour, mon second sur le retour et mon troisième sera sur les relations intimes. Pour moi ce sont des choses très importantes, je pense souvent à ces choses là. Pour mon prochain film je veux parler de quelque chose de moins abstrait car la relation entre les gens est différente pour tous. Le sexe en fait parti mais je veux également parler de choses plus profondes comme le désir, la peur, la colère, etc…

 

CA : Et ça se situerait où ? En France ?

Ce ne sera pas tourné en Chine. Peut être à Taiwan, au Japon ou en Asie du sud Est mais je ne sais pas encore. Non pas en France, il n’y a pas ce genre de trucs là bas (rire)

 

CA : Et le titre de ce prochain film serait ?

Je ne veux pas le dire pour le moment (ndlr : les coréens sont assez superstitieux vis à vis de ça).

 

CA : Pour terminer, est ce que réaliser ces films vous permet de répondre aux questions que vous vous posez ?

Pour Return Ticket je ne sais pas si j’ai trouvé la réponse. Toutefois l’avoir réalisé me permet de mettre cette question de côté pour l’instant.

 

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Un grand merci à ce réalisateur admirable pour ce moment instructif et des plus agréable. Tous nos remerciements également aux organisateurs du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul pour nous avoir permis de réaliser cette interview dans de bonnes conditions.

 

 

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